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LA VALEUR MORALE DU FOOT-BALL

horions susceptibles d’en résulter. Une mère, dont le fils s’était luxé un membre au cours d’une rencontre sensationnelle, accueillait au chevet du patient un de ses camarades empressé à prendre de ses nouvelles par des paroles cornéliennes : « Si seulement, Monsieur, disait-elle, si seulement il avait pu, en tombant, marquer l’essai ; son club eût gagné le championnat ! » Ce qui dénotait à la fois de la science et de l’enthousiasme.

La science et l’enthousiasme de cette vaillante femme ne se sont pas répandus de façon aussi générale qu’on pourrait le penser à voir certaines foules réunies les jours de matchs internationaux autour de la pelouse de jeu. Parmi ces spectacteurs, le nombre est minime encore de ceux qui ont joué au foot-ball ; or, pour bien le comprendre et l’apprécier, il faut y avoir joué ; autrement, on n’y aperçoit qu’une mêlée hasardeuse coupée de courses et de charges individuelles et sous cette apparence, exacte d’ailleurs, demeurent invisibles la technique raffinée et la combinaison étroite et ingénieuse de force morale et de force musculaire qui caractérisent ce beau sport.

Le parfait foot-baller doit à tout instant de la partie être prêt à ramasser le ballon, à le recevoir d’un co-équipier ou à le lui passer, à courir, à s’arrêter, à charger, à se décider à se taire et à obéir. Comptez, s’il vous plaît, combien de qualités morales sont ainsi mises à contribution : l’initiative, la persévérance, le jugement, le courage, d’abnégation, la possession de soi-même. À tout instant se présentent des occasions de s’emparer du ballon, de gagner du terrain ; mais la moindre hésitation les fait échapper et déplace les chances. Un bon joueur saura toujours comment sont disposées les forces de son équipe et celles de l’équipe ennemie. Il jugera où est l’endroit faible de ses adversaires et s’il est lui-même suffisamment soutenu ; il calculera en un instant les conséquences d’un arrêt ou d’une chute, se décidera à renverser celui-ci ou à échappera celui-là ; et sitôt pris, un coup d’œil lui montrera auquel de ses partenaires il convient de passer le ballon pour qu’il file, comme le furet du Bois-Joli, de mains en mains.

Ses efforts n’ont pas réussi, son équipe a déjà perdu plusieurs points. Va-t-il laisser le découragement l’envahir ? Le découragement est comme la lumière ; sa rapidité de transmission est foudroyante. Un peu de lassitude chez un joueur d’élite, un ralentissement dans ses mouvements, une parole qui lui échappe suffisent pour amener la déroute. Eh bien, non ! Il va redoubler d’ardeur et