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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

Le chemin de fer d’Éthiopie.

Il est curieux de noter notre obstination à compliquer les questions les plus claires et à transformer sur tous les points du globe nos avantages en embarras. Voyez ce qui se passe en Éthiopie. Un collaborateur de cette Revue vous a montré l’année derrière[1] comment la France, favorisée par la possession de Djibouti, avait obtenu dès 1897 la concession du chemin de fer destiné à « ouvrir » l’Éthiopie au commerce étranger ; il vous a dit l’indifférence de notre gouvernement à l’égard de cette entreprise jusqu’en l’année 1902 où son intervention in extremis sauva la compagnie française des tentatives d’accaparement de quelques financiers anglais. Dès lors, sous prétexte de garantir la neutralité de l’Éthiopie, les Anglais, renonçant à posséder seuls le chemin de fer, réclamèrent son internationalisation. Cette prétention extraordinaire, soutenue jusque chez nous par quelques personnalités — M. Hugues Le Roux entre autres, qui a ainsi perdu une belle occasion de se taire — fut heureusement combattue par d’autres personnalités mieux qualifiées qui l’emportèrent. À la suite d’une longue et difficile discussion, la France, l’Angleterre et l’Italie, puissances directement intéressées en Abyssinie, ont signé le 13 décembre dernier un accord qui consacre le caractère exclusivement français des entreprises chargées de construire et d’exploiter le chemin de fer de Djibouti à Addis Abbaba et stipule que la compagnie restera absolument française, à charge d’admettre un administrateur éthiopien, un anglais et un italien dans son conseil.

Rien de plus clair, n’est-ce pas ? Hé bien ! ça ne suffit pas encore. Tout est remis en question par un nouveau détour. La compagnie ancienne a très mal administré ses affaires : elle a dépensé plus de 58 millions pour construire de Djibouti à Dirédaoua 310 kilomètres de voies ferrées qui en auraient dû coûter à peine 30 ; elle a exploité de telle façon que ces voies sont aujourd’hui impraticables et doivent être refaites en partie tandis que le matériel roulant est dans un état lamentable. Il faut donc à présent restaurer ce premier tronçon et le compléter jusqu’à Addis Abbaba sur 460 kilomètres. Lourde charge ! La société qui l’assumera a évidemment besoin d’une garantie financière. En lésinant sur les moyens de la lui accorder, le gouvernement français est en

  1. L’Éthiopie d’aujourd’hui, livraison de juin 1906.