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Mme CURIE. — LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.


explosive entre deux conducteurs chargés ; autrement dit les rayons du radium facilitent le passage de l’étincelle dans l’air.

Toutes les propriétés des rayons émis par les substances radioactives nouvelles, dont il a été question jusqu’à présent, sont des propriétés communes aux rayons X et aux rayons cathodiques. Aussi bien les rayons X que les rayons cathodiques ionisent l’air, impressionnent les plaques photographiques, ne se réfléchissent ni ne se réfractent régulièrement comme la lumière ; les uns et les autres provoquent la fluorescence. Mais il existe entre les rayons cathodiques et les rayons X une différence fondamentale ; les rayons cathodiques sont déviés de leur trajet rectiligne par l’action d’un aimant, les rayons X ne le sont pas ; les rayons cathodiques, d’après l’expérience de M. Perrin, transportent des charges d’électricité négative, les rayons X ne sont pas chargés. On se rend bien compte des propriétés des rayons cathodiques, en les considérant comme des particules matérielles extrêmement petites, chargées d’électricité négative, et lancées par la cathode avec une très grande vitesse ; des particules pareilles doivent en effet être déviées de leur trajet par un aimant.

Les rayons des substances radioactives se comportent-ils comme les rayons cathodiques ou comme les rayons X ? C’est ce qu’il était important de montrer. M. Giesel, en Allemagne, MM. Meyer et V. Schweieller en Autriche, M. Becquerel en France montrèrent simultanément que les rayons du radium sont déviés dans un champ magnétique comme les rayons cathodiques. Une étude plus complète montra à M. Curie que dans le rayonnement du radium il y a deux parties : les rayons déviés par le champ magnétique et les rayons non déviés par le champ magnétique.
Fig. 2.
Dans la figure 2 le radium, contenu dans une profonde auge en plomb épais C, est placé sur une plaque photographique AB. Le champ magnétique est normal au plan du tableau ; il peut être réalisé par les deux pôles d’un électro-aimant, dont l’un est en avant, et l’autre en arrière du tableau. Les rayons du radium s’échappent de la cuve en plomb ; certains d’entre eux (CD) suivent leur chemin en ligne droite sans être influencés par l’électro-aimant ; ce sont les rayons non déviables ; d’autres (CEF) s’incurvent comme dans la figure et reviennent impressionner la plaque photographique qui ne peut pas être atteinte par les rayons sortant de l’auge, si ceux-ci cheminent en ligne droite. M. Becquerel a ainsi montré qu’il existe des rayons déviables plus ou moins déviés par l’aimant qui forment un véritable spectre magnétique, que révèle la plaque photographique. Dans une autre expérience (fig. 3), M. Becquerel a placé le radium au bord de la plaque photographique, dans une auge assez profonde et épaisse pour qu’aucune
Fig. 3.
impression ne se produise sur la plaque quand il n’y a pas de champ magnétique. Aussitôt que l’électro-aimant est excité, les rayons contournent le bord de la plaque et viennent impressionner la plaque en dessous de l’auge en plomb, après avoir décrit des chemins (CFB) qui sont des cercles complets. Il est curieux de voir ces rayons revenir ainsi à leur point de départ. Le rayonnement du radium semble donc constitué en partie par des rayons analogues aux rayons cathodiques et en partie par des rayons analogues aux rayons X.


Ce mélange n’a rien qui doive nous étonner. Les rayons cathodiques et les rayons X ont entre eux une liaison très étroite. Dans les tubes à vide, les rayons X naissent à toute paroi frappée par les rayons cathodiques. D’autre part, les travaux de M. Sagnac ont montré que les rayons X, en frappant les corps, sont en partie transformés en des rayons entièrement différents ou rayons secondaires. D’après des recherches toutes récentes, les rayons secondaires sont au moins en partie des rayons cathodiques. Donc partout où frappent les rayons cathodiques, naissent des rayons X ; partout où frappent les rayons X, naissent des rayons cathodiques ; au voisinage immédiat d’une paroi solide, on ne peut donc pas avoir les uns ou les autres de ces rayons isolés, mais seulement un mélange des deux.

Nous savons que les rayons cathodiques sont chargés d’électricité négative ; ils se comportent comme des petits boulets électrisés négativement qui se meuvent avec une très grande vitesse et qui en venant frapper les corps leur cèdent leur charge électrique. Nous avons montré, M. Curie et moi, que les rayons déviables du radium sont également chargés négativement. Comme l’air dans lequel passent les rayons du radium est fortement conducteur, nous avons recueilli la charge des rayons sur un