Page:Revue scientifique (Revue rose), série 4, année 39, tome 17, 1902.djvu/690

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a de bonnes raisons de les tenir pour exactes, quand on n’a pu se procurer le document original et quand on dit honnêtement ce qu’on a fait et sur quels matériaux on a travaillé ? S’il s’était agi d’un fossile unique, détenu par l’empereur de Chine et dont on aurait péniblement obtenu un moulage, personne n’aurait trouvé mauvais qu’un paléontologiste décrivît ce fossile, surtout s’il a trouvé sur ce moulage des traces de structure histologique que les Chinois eussent été incapables de produire parce qu’elles auraient supposé des connaissances qu’ils n’ont pas. La comparaison est frappante avec ce qui arrive pour le linceul.

Je n’ai pas voulu faire ici une discussion complète de la question du linceul. Je sais les objections qui ont été soulevées : l’aveu du faussaire, la photographie par transparence, les trente-neuf linceuls qui se trouvent de par le monde, le fac-similé de la Bibliothèque nationale, les positifs donnant les négatifs directs parce qu’ils sont tirés en rouge (!  !), l’écart de 2 centimètres entre les deux images et la nécessité d’un écart d’un mètre etc., etc. ; je connaissais la plupart d’entre elles avant de faire ma communication à l’Académie, et je sais ce qu’elles valent. C’est à M. Vignon que revient le droit et le plaisir de renverser ce frêle échafaudage.

J’ai voulu seulement établir sur une pièce imprimée et signée de moi ce dont je veux être responsable, pour n’être pas jugé sur des racontars où l’on confond les personnes et les choses.

Il n’y a rien dans toute cette affaire du linceul qui soit démontré à la manière d’une vérité mathématique ou d’un fait d’observation ; mais il y a un ensemble de considérations pour et contre dont on a le droit de faire la balance. Or, tout bien pesé, je reste convaincu que l’image du linceul n’est pas une peinture, œuvre d’un faussaire, qu’elle n’est pas une empreinte, qu’elle est une reproduction naturelle du cadavre enseveli, par un phénomène physico-chimique semblable dans ses allures générales, sinon identique en tous points, à celui invoqué par M. Vignon. Y a-t-il eu intervention d’un faussaire, non pour faire l’image, mais peut-être pour retoucher, à une époque plus ou moins récente, soit le linceul, soit les documents photographiques ? En moi, l’homme dit non ; mais le savant, qui doit écarter les considérations d’ordre moral, fait les réserves de droit et réclame l’examen du linceul avant d’affirmer. Quant à l’identification du personnage avec le Christ, je crois aussi, tout bien pesé, qu’il y a de plus fortes raisons pour l’admettre que pour la repousser, et jusqu’à preuve du contraire, je l’admets comme fondée. Mais je reconnais volontiers qu’il y a là une question d’appréciation, que le coefficient qui donne leur valeur aux différents arguments a quelque chose d’un peu arbitraire, et que d’autres peuvent juger autrement. Malheureusement, je ne vois guère ce qui pourra jamais trancher la question dans un sens ou dans l’autre.

En tout cas, je prétends, dans cette affaire, avoir fait œuvre vraiment scientifique et nullement… cléricale. Je demande pardon de ce mot, auquel je ne trouve pas un synonyme bref et convenable, aux personnes dont il pourrait blesser les convictions que je respecte, bien que je ne les partage pas.

J’ai été fidèle au vrai esprit scientifique en traitant cette question préoccupé du seul souci de la vérité, sans m’inquiéter si cela ferait ou non les affaires de tel ou tel parti religieux. Et ce sont ceux qui se sont laissés influencer par ce souci qui ont trahi la méthode scientifique.

Je n’ai point fait œuvre cléricale parce que cléricalisme et anticléricalisme n’ont rien à voir dans cette affaire. Je considère le Christ comme un personnage historique et je ne vois pas pourquoi on se scandaliserait qu’il existe une trace matérielle de son existence.

Quant à la question de savoir s’il était Dieu et fils de Dieu, s’il a ressuscité le jour de Pâques pour monter au ciel, etc., etc., je n’en ai rien dit parce que je n’avais rien à en dire. Ceux qui veulent savoir ce que je pense dans cet ordre d’idées n’ont qu’à se reporter à mon ouvrage sur l’Hérédité (p. 184 et 813). Il y a là certaine phrase très caractéristique sous ce rapport. La dite phrase m’a fait assez de tort auprès de certaines personnes au moment où j’étais candidat à l’Académie pour que j’aie le droit de la rappeler le jour où j’ai besoin de montrer ce que sont mes opinions philosophiques.

Yves. Delage,
de l’Institut.
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INDUSTRIE

Influence de la Convention de Bruxelles sur la sucrerie en général et sur l’industrie sucrière en Russie.


Les délégués des Puissances productrices de sucre, réunis dans une conférence à Bruxelles, ont décidé, en date du 14 mars dernier, la suppression des primes d’exportation.

On connaît l’histoire des primes d’exportation et comment elles furent instituées.

La sucrerie, en tant qu’industrie agricole, fut encouragée de tous temps, par tous les États.

Stimulée par une politique de protection, elle prit, dans les principaux pays d’Europe, un essor considérable. La surproduction s’ensuivit bientôt et les gouvernements désireux de prévenir une crise qui eût été une catastrophe pour une partie de la population et non des moins intéressantes, n’hésitèrent point à maintenir artificiellement les cours sur les marchés intérieurs. Ils y arrivèrent en favorisant l’exportation par des primes allouées à ceux