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Page:Reymond - Bramante et l’Architecture italienne au XVIe siècle, Laurens.djvu/95

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BRAMANTE.

style vénitien que personne après lui n’a si heureusement réalisée. Il débute à Venise par la Zecca, assez lourde construction où il emploie le style rustique que l’on avait pu essayer à Florence et à Rome mais qui est trop loin de l’élégance que l’on désire à Venise.

Le palais Corner est encore très romain par l’ordonnance simple et majestueuse de la façade. Le caractère vénitien y apparaît pourtant déjà, notamment dans le nombre et le relief des colonnes, dans la dimension des ouvertures et la profusion des balcons.

Le palais Corner est sans doute très beau, mais il pâlit et disparaît à côté de ces incomparables merveilles que sont la Libreria et la Loggetta.

La Libreria (Pl. 17) est une de ces œuvres devant lesquelles tous les critiques s’inclinent. Palladio, le plus puriste de tous les architectes, a déclaré que c’était le plus beau monument construit depuis l’antiquité. La Libreria est faite tout entière d’une suite d’ouvertures séparées par des piliers flanqués de colonnes. C’est le vieux motif romain remis en honneur par les maîtres de la Renaissance ; mais quelle vie nouvelle donnée à cette architecture ! quels effets encore inconnus ne va-t-elle pas réaliser ! Dans cette œuvre les qualités les plus contraires sont réunies : la puissance s’allie à la légèreté, le luxe et l’abondance de la décoration à la majesté de l’ordonnance purement architecturale. Le fort enfoncement des fenêtres et l’ouverture des arcades donnent à la façade une vigoureuse impression de relief qui manquait au palais Corner. Le