Page:Ribot - La vie inconsciente et les mouvements, 1914.djvu/169

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apparent paradoxe. En effet, si par la pensée on la décompose grossièrement en des principaux éléments, voici ce qu’on découvre. Les uns vont à leurs plaisirs ; d’autres agissent par habitude et par routine journalière ; d’autres sont pris par des occupations sans intérêt, quelquefois répugnantes, mais imposées par la nécessité de vivre ou de soutenir une famille. Tout ce monde ne cherche pas l’effort. Ces déductions faites, la proportion est très faible de ceux qui aspirent à lutter. Encore convient-il de remarquer que cet exemple est l’un des plus défavorables à notre thèse, les grands centres de civilisation attirant les hommes énergiques et disposés à la lutte.

C’est qu’en réalité, l’amour du travail est une tendance acquise et, comme telle, instable et précaire en comparaison des tendances naturelles. Il y a le travail qui plaît et le travail qui ne plaît pas. Le premier se fait de lui-même ; c’est une forme naturelle de notre activité ; au fond dans tout travail qui intéresse — même manuel — le travailleur se rapproche un peu de l’artiste. Le second est né de la nécessité et a été fixé par la contrainte. Historiquement, ce fait est prouvé et hors de doute : le travail forcé