Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/55

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une maison. Il la rédige lui-même, la transcrit sur papier timbré et s’apprête à la signer, lorsque surgit un obstacle sur lequel nous étions loin de compter. Après avoir écrit son nom, il lui est de toute impossibilité de parapher. C’est en vain que le malade lutte contre cette difficulté. Cent fois au moins, il fait exécuter à sa main, au-dessus de la feuille de papier, les mouvements nécessaires à cette exécution, ce qui prouve bien que l’obstacle n’est pas dans la main ; cent fois la volonté rétive ne peut ordonner à ses doigts d’appliquer la plume sur le papier. M. P… sue sang et eau ; il se lève avec impatience, frappe la terre du pied, puis se rassied et fait de nouvelles tentatives : la plume ne peut toujours pas s’appliquer sur le papier. Niera-t-on ici que M. P… ait le vif désir d’achever sa signature et qu’il comprenne l’importance de cet acte ? Niera-t-on l’intégrité de l’organe chargé d’exécuter le paraphe ? L’agent paraît aussi sain que l’instrument ; mais le premier ne peut s’appliquer sur le second. La volonté fait évidemment défaut. Cette lutte a duré trois quarts d’heure ; cette succession d’efforts a enfin abouti à un résultat dont je désespérais : le paraphe fut très imparfait, mais il fut exécuté. J’ai été témoin de cette lutte ; j’y prenais le plus vif intérêt, et je déclare qu’il était impossible de constater plus manifestement