Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/56

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une impossibilité de vouloir, malgré le désir[1].

« Je constatai quelques jours après une impossibilité du même genre. Il s’agissait de sortir un peu après le dîner. M. P… en avait le plus vif désir ; il eût voulu, me dit-il, avoir une idée de la physionomie de la ville. Pendant cinq jours de suite, il prenait son chapeau, se tenait debout et se disposait à sortir ; mais, vain espoir, sa volonté ne pouvait ordonner à ses jambes de se mettre en marche pour le transporter dans la rue. « Je suis évidemment mon propre prisonnier, disait le malade ; ce n’est pas vous qui m’empêchez de sortir, ce ne sont pas mes jambes qui s’y opposent : qu’est-ce donc alors ? » M. P… se plaignait ainsi de ne pouvoir vouloir, malgré l’envie qu’il en avait. Après cinq jours enfin, faisant un dernier effort, il parvient à sortir et rentre cinq minutes après, suant et haletant, comme s’il eût franchi en courant plusieurs kilomètres et fort étonné lui-même de ce qu’il venait de faire.

« Les exemples de cette impossibilité se reproduisaient à chaque instant. Le malade avait-il le désir d’aller au spectacle, il ne pouvait vouloir y aller ; était-il à table à côté de convives aimables, il eût voulu prendre part à la conversation, mais toujours la même impuissance le

  1. Je transcris littéralement cette observation, sans rien préjuger sur la doctrine psychologique de l’auteur.