Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/94

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mange toutes ses robes. On cite l’exemple d’un amateur qui, se trouvant dans un musée en face d’un tableau de prix, sent un besoin instinctif d’enfoncer la toile. Bien souvent ces impulsions passent inaperçues et n’ont pour confidente que la conscience qui les éprouve[1]. »

Certaines idées fixes, de nature futile ou déraisonnable, s’imposent à l’esprit, qui les juge absurdes, mais sans pouvoir les empêcher de se traduire en actes. On trouvera dans un travail de Westphal des faits curieux de ce genre. Un homme, par exemple, est poursuivi de cette idée qu’il pourrait confier au papier qu’il est l’auteur d’un crime quelconque et perdre ce papier : en conséquence, il conserve soigneusement tous les papiers qu’il rencontre, en ramasse les découpures dans la rue, s’assure qu’elles ne contiennent rien d’écrit, les emporte chez lui et les collectionne. Il a d’ailleurs pleine conscience de la puérilité de cette idée, qui le harcèle à toute heure ; il n’y croit pas, sans pouvoir cependant s’en débarrasser[2].

Entre les actes les plus puérils et les plus

  1. Foville, ouvr. cité, p. 341.
  2. Westphal, Ueber Zwangsvorstellungen, Berlin, 1877. On peut remarquer que, dans certains cas, la terreur de produire un acte y conduit invinciblement : effets du vertige, gens qui se jettent dans la rue par crainte d’y tomber, qui se blessent de peur de se blesser, etc. Tous ces faits s’expliquent par la nature de la représentation mentale, qui, en raison même de son intensité, passe à l’acte.