Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
revue philosophique

En troisième lieu, les indications données par Platon sur les distances respectives des orbites témoignent d’un autre progrès sérieux de la science astronomique.

C’était encore Anaximandre qui avait le premier spéculé sur cette question. Il semble avoir adopté pour les rayons de ses trois anneaux une progression arithmétique, 10, 19, 28, dont la raison valait 9 fois le rayon du disque terrestre et dont cette unité formait le terme antérieur[1]. Inutile de dire qu’il ne faut pas chercher autre chose qu’une pure fantaisie dans ce premier essai, où l’on voit l’imagination s’épuiser avant d’atteindre la moitié de la distance qui nous sépare en réalité de la lune.

C’est également la fantaisie qui domine dans les combinaisons harmoniques des Pythagoriciens, dont Platon nous a conservé plus tard, dans le Timée, l’exemple le plus authentique, en indiquant pour les distances des orbites la double progression géométrique :

1

2 . 4 . 8
3 . . . 9 . 27

Dans le mythe d’Er, Platon ne donne aucun chiffre précis ; il se contente de faire connaître l’ordre relatif de grandeur des épaisseurs des anneaux, c’est-à-dire des distances entre les orbites ; d’après lui, cet ordre est le suivant, en diminuant du premier au dernier :

1er anneau 
De Saturne aux fixes.
6e  
Du Soleil à Vénus.
4e  
De Mercure à Mars.
8e  
De la Terre à la Lune.
7e  
De la Lune au Soleil.
5e  
De Vénus à Mercure.
3e  
De Mars à Jupiter.
2e  
De Jupiter à Saturne.

On pourrait être tenté de croire qu’il s’agit encore ici d’une combinaison pythagoricienne, alors surtout que tout à côté le chant des sirènes forme une allusion très nette au dogme de l’harmonie des sphères[2]. Mais après avoir, sur les données de Platon, essayé toutes

    n’entrons pas dans le détail de leurs opinions, nous contentant, de remarquer que l’ordre de Platon paraît bien le plus ancien.

  1. Le premier de ces trois nombres, 10, n’est pas fourni par les témoignages de l’antiquité, mais il nous semble qu’on peut logiquement le restituer en toute sûreté.
  2. Nous avons un peu plus haut indiqué pour les sirènes une analogie plus lointaine. L’école de Pythagore, comme Héraclite le reprochait au maître, s’est peut-être beaucoup plus assimilé d’opinions venant, d’ailleurs, des sources les plus diverses, qu’elle n’en a proprement inventé.