Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
HERBERT SPENCER. — les corps représentatifs

régime coercitif propre à l’état militaire. Ou bien, lorsque, comme en Espagne, les luttes entre villes et nobles continuent durant longtemps, l’essor des institutions libres s’arrête, puisque dans ces conditions il ne saurait exister ni cette prospérité commerciale que produit l’accroissement de la population des villes, ni la culture de l’état mental qui y est propre. On peut en conclure que le développement de la puissance populaire qui accompagne le développement industriel en Angleterre, provient en grande partie de la faible intensité des luttes entre les groupes industriels et les groupes féodaux environnants. Les effets de la vie commerciale furent moins dérangés ; et les centres politiques locaux, urbains et ruraux, purent librement s’unir pour limiter l’autorité du centre général.

Examinons maintenant plus spécifiquement comment s’acquiert l’influence gouvernementale du peuple. L’histoire des organisations d’un genre quelconque nous montre que le but auquel sert un arrangement dans le principe n’est pas toujours celui auquel il sert à la fin. Il en est ainsi dans le cas qui nous occupe. C’est plutôt par la reconnaissance d’obligations que par celle des droits que l’accroissement de la puissance populaire s’est fait d’ordinaire. Même la révolution opérée à Athènes par Clisthène prit la forme d’une redistribution de tribus et de dèmes en vue de répartir les taxes et le service militaire. À Rome, aussi, l’extension de la puissance de l’oligarchie qui se produisit sous Servius Tullius eut pour motif ostensible le but d’imposer aux plébéiens des obligations qui jusqu’à cette époque n’avaient pesé que sur les patriciens. Mais pour mieux comprendre cette relation primitive qui relie le devoir avec le pouvoir, où le devoir est originel et le pouvoir dérivé, remontons une fois encore au commencement.

En effet, quand nous nous rappelons que l’assemblée politique primitive est au fond un conseil de guerre, formé de chefs qui discutent en présence de leurs suivants armés, et que dans les premiers temps tous les mâles adultes libres, étant des guerriers, sont appelés à se réunir pour concourir à des actions défensives et offensives, nous comprenons que, dans le principe, la présence des hommes libres armés dans l’assemblée est l’accomplissement du service militaire où ils sont tenus, et que le pouvoir qu’ils exercent, quand ils sont assemblés, est une conséquence. Les époques plus récentes offrent des preuves évidentes que tel est l’ordre normal ; en effet, cet ordre se reproduit, lorsque, après une dissolution politique, l’organisation commence de novo. Voyez les cités italiennes, où, comme nous l’avons vu, les parlements primitifs, assemblés au son du tocsin pour la défense commune, comptaient tous les hommes en état de