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porter les armes : l’obligation de combattre est la première en date, et le droit de vote vient le second. Naturellement, ce devoir de présence à l’assemblée survit lorsque l’assemblage primitif assume d’autres fonctions que celle du genre militaire, comme le prouve le fait déjà mentionné que chez les Scandinaves il était « honteux aux hommes libres de ne pas assister » à l’assemblée annuelle, et comme le montrent d’autres faits, à savoir : l’obligation pour tous les hommes libres d’assister à la centurie, sous les Mérovingiens ; « les amendes qui frappaient ceux qui ne se rendaient pas aux assemblés » à l’époque carlovingienne ; enfin l’obligation en Angleterre pour tous les hommes libres du rang inférieur, aussi bien que pour les autres, « d’assister au shire-moot et à l’hundred-moot  » sous peine de « grosses amendes s’ils négligeaient ce devoir. » Ajoutons qu’au xiiie siècle, en Hollande, quand les bourgeois s’assemblaient pour discuter quelque question d’intérêt publie, judiciaire ou autre, « quiconque sonnait la cloche de la ville, excepté du consentement général, ou ne se montrait pas quand elle tintait, s’exposait à une amende, »

Après avoir reconnu cette relation primitive entre le devoir et le pouvoir du peuple, nous comprendrons plus nettement la relation quand nous la verrons reparaitre lorsque le pouvoir populaire commence à revivre au cours de l’accroissement de l’industrialisme. En effet, nous voyons ici que l’obligation est le fait primaire, et la puissance le fait secondaire. C’est principalement en tant que fournissant une assistance au souverain, en général pour des motifs militaires, que les députés des villes prennent part aux affaires publiques. Alors reparait sous une forme complexe le fait que nous avons vu sous une forme simple à une époque plus ancienne. Arrêtons-nous un moment pour examiner la transition.

Ainsi que nous l’avons vu en traitant des institutions cérémonielles, les revenus des chefs proviennent, d’abord complètement et plus tard en partie, de présents. D’abord irréguliers et volontaires, les présents deviennent périodiques et obligatoires. Les occasions où les assemblées se rassemblent pour discuter les affaires publiques (principalement les opérations militaires pour lesquelles des fournitures sont un élément nécessaire) deviennent naturellement des occasions où l’on offre et l’on reçoit les présents attendus. Lorsque, grâce à des guerres heureuses, le roi guerrier fond de petites sociétés en une grande ration, quand « son pouvoir s’accroît en intensité à mesure que le royaume s’accroît en étendue, » pour citer l’expression lumineuse du professeur Stubbs ; enfin lorsque, comme conséquence, les dons quasi volontaires deviennent de plus en plus obli-