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HERBERT SPENCER. — les corps représentatifs

gatoires, encore qu’ils conservent les noms de donum et auxilium ; il arrive en général que ces exactions, passant la limite tolérable, provoquent la résistance : d’abord passive et, dans les cas extrêmes, active. Si les troubles qui en sont la conséquence affaiblissent beaucoup le pouvoir royal, il est probable que la restauration de l’ordre, s’il se rétablit, se fera, parce qu’on comprendra qu’il faut remettre en vigueur le système primitif des dons volontaires avec les modifications nécessaires. Ainsi, lorsqu’en Espagne, à la mort de Sanche Ier, des troubles éclatèrent, les députés des trente-deux places qui s’assemblèrent à Valladolid décidèrent que l’on répondrait aux demandes du roi réclamant les droits accoutumés, en mettant à mort son envoyé, et la nécessité où le roi se trouva de gagner l’adhésion des villes pendant sa lutte contre un prétendant l’obligea à tolérer cette attitude. Pareillement, au siècle suivant, pendant les disputes que suscita la régence durant la minorité D’Alphonse XI, les cortès de Burgos demandèrent que les villes « ne contribuassent pas au delà de ce qui était prescrit dans leurs chartes. » Des causes analogues opérèrent des résultats analogues en France, comme lorsqu’une ligue insurrectionnelle obligea Louis le Hutin à octoyer des chartes aux nobles et aux bourgeois de Picardie et de Normandie, par lesquelles il renonçait au droit de leur imposer des taxes illégales ; enfin, à diverses époques, on assembla les États généraux dans le but de réconcilier la nation avec les impôts levés pour faire la guerre. Il ne faut pas oublier qu’en Angleterre, après quelques tentatives telles que celle de Saint-Alban’s et celle de Saint-Edmond’s, les nobles et le peuple réussirent à Runnymede à interdire au roi certains actes tyranniques, et entre autres celui d’imposer des taxes sans le consentement de ses sujets.

Que résulte-t-il des arrangements politiques obtenus, avec des modifications dues aux conditions locales, dans différents pays sous des circonstances semblables ? Évidemment, quand le roi, empêché d’imposer des demandes illégitimes, est réduit à obtenir des subsides en sollicitant ses sujets ou les plus puissants d’entre eux, le motif qui le pousse à les assembler, ou leurs représentants, n’est avant tout que l’envie d’avoir ces subsides. On peut supposer que ce motif de convoquer les assemblées nationales est le principal, parce qu’il était le principal aussi quand il s’agissait jadis de convoquer les assemblées locales. On lit par exemple dans un writ de Henri Ier sur les shire-moots, où il prétend rétablir les anciennes coutumes, ces mots : « Je ferai convoquer ces cours quand mes besoins l’exigeront et à mon gré. » Voter de l’argent, tel est donc le principal but pour lequel les principaux de l’État et ses représentants sont assemblés.