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G. GUÉROULT. — du rôle du mouvement

Dans le langage parlé, l’accent tonique, c’est-à-dire l’accroissement d’intensité sur des syllabes données, est également d’une perception très nette, puisque c’est grâce à lui, et à lui seul, que nous pouvons distinguer les mots les uns des autres.

Néanmoins, tout en percevant que tel son, ou tel bruit, est plus ou moins intense que tel autre, tout en concevant la possibilité de mesurer la différence, l’auditeur n’arrive pas à effectuer cette mesure.

c. Timbre. — Le timbre est la qualité qui permet de distinguer le son du haut-bois de celui du violon, de la clarinette, de la flûte. Les diverses voyelles du langage représentent également des sons de timbres différents. Cette troisième qualité du son présente, avec la couleur, les plus frappantes analogies. Les différents timbres sont aussi des éléments de même ordre, mais non de même espèce. Cette analogie est tellement évidente qu’en allemand et en italien on définit le timbre la couleur du son, et tout le monde connaît l’anecdote de cet aveugle-né auquel on cherchait à expliquer la sensation causée par le carmin. « Ce doit être, dit-il, quelque chose comme le son de de la clarinette[1]. »

Nous avons maintenant tout ce qu’il faut pour aborder l’étude des beaux-arts qui relèvent de l’audition.

1o  Musique.

La musique utilise, de la manière la plus large et la plus complète, les trois qualités du son ci-dessus énumérées, et, par suite, elle constitue le mouvement le plus parfait, le plus complet qu’il nous soit donné de concevoir.

Le son se déplace sur la gamme avec une certaine vitesse. Les déplacements sont mesurés avec la plus grande précision à partir d’une certaine note fixe, la tonique, qui sert d’origine à la courbe. Les vitesses sont exactement déterminées par ce qu’on appelle la mesure, le rythme, c’est-à-dire par des accroissements d’intensité se succédant à des intervalles rigoureusement égaux qui sont les temps. D’un temps à l’autre, des subdivisions intermédiaires, qui admettent toutes les combinaisons binaires et ternaires, permettent de se rendre un compte exact des variations les plus délicates de la vitesse. Pour achever de compléter dans l’esprit la notion du mouvement, la

  1. Objectivement, Helmholtz l’a démontré, les timbres musicaux diffèrent entre eux par le nombre et l’intensité des harmoniques qui résonnent dans les sons complexes. On pourrait être tenté d’en conclure la possibilité de mesurer le timbre au moyen de ces quantités. Mais ce serait là une tentative chimérique, car, subjectivement, les timbres apparaissent comme spécifiquement aussi différents entre eux que le rouge, le bleu, le violet.