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volition ? La notion de force est-elle du même ordre que celles de couleur, de son, d’odeur, en un mot celles des qualités sensibles qui nous sont révélées par nos sens ? Tel sera le contenu du présent article.

I

Nous avons le sentiment de l’effort. De quels phénomènes nerveux ce sentiment est-il concomitant ? Telle est la demande à laquelle M. James entreprend de répondre, en restreignant toutefois son examen à l’effort musculaire.

Depuis Jean Müller, l’opinion généralement admise veut que ce sentiment soit le produit de la décharge du centre moteur dans le nerf moteur. M. Wundt va plus loin : il sépare le sentiment de la force déployée du sentiment du mouvement effectué, et il désigne le premier par les mots : sentiment de l’innervation, expression qui a acquis droit de cité dans la littérature psychologique.

M. James soutient, au contraire, que le sentiment du déploiement de l’énergie musculaire est une sensation complexe afférente ou centripète provenant du déplacement de certaines parties du corps ; et que, s’il implique un autre sentiment d’effort, ce dernier est d’une nature purement morale, comme l’est, par exemple, l’effort que l’on fait pour se souvenir, pour prendre une décision ou s’appliquer à une tâche désagréable.

D’après lui, l’invention du sentiment de l’effort est une complication inutile. Les éléments du mouvement volontaire sont : 1o une idée préalable du but à atteindre ; 2o un fiat ; 3o une contraction musculaire appropriée ; 4o la fin sentie comme réellement accomplie. Le sentiment, fondé sur l’expérience, que tel mouvement est approprié à tel but, suffit pour expliquer nos actions. À quoi bon introduire an’élément intermédiaire entre l’idée et le mouvement ?

D’ailleurs la volonté ne s’occupe que des résultats et s’inquiète fort peu des détails musculaires qui servent à les amener, L’idée du mouvement est la perception sensible que nous en obtenons pendant ou après son accomplissement. Et quelle est cette perception sensible ? « C’est un agrégat de sentiment afférents dus, en premier lieu, à la contraction des muscles, à l’extension des tendons, des ligaments et de la peau, au frottement et à la pression des jointures, et, en second lieu, aux organes de l’œil, de l’oreille, de la peau, du nez où du palais, lesquels peuvent, en totalité ou en partie, être affectés indirectement par le mouvement qui se fait dans une autre partie du corps. »

Mais, objecte M. Wundt, s’il en est ainsi et si nos sentiments moteurs sont de nature afférente, ils devront augmenter ou diminuer avec le travail effectué. Or — c’est un fait fréquemment observé par les médecins — dans la paralysie incomplète, l’effort est considérable et le résultat mince ; et, dans la paralysie complète, les malades ont le senti-