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ANALYSES. — E. FERRI. Nuovi orizzonti del diritto.

que des peines présentées par le code et appliquées par les magistrats.

Il reste, comme on voit, bien peu de chose des bases du code pénal ; il s’agit d’en trouver de nouvelles, de montrer que l’exercice de la justice n’est pas incompatible avec les résultats de la science.

A propos du libre arbitre, M. Ferri fait une très bonne remarque, remarque qui se présente d’elle-même à l’esprit et que l’on s’étonne de ne pas voir plus souvent opposée aux objections des partisans du libre arbitre. « Si le criminel ne peut pas ne pas commettre le crime, dit-on, il n’est pas responsable, et il ne faut pas le punir. Mais la nécessité n’existe pas seulement pour l’assassin, elle existe aussi pour la société, et la société est déterminée à punir le crime, comme l’auteur du crime a été déterminé à le commettre. Si donc une action commise nécessairement ne mérite ni éloge ni blâme, il ne faut peut-être pas, il est vrai, s’indigner contre l’assassin ; mais on ne doit pas davantage trouver la punition criminelle, puisqu’elle est aussi nécessaire que le crime. » M. Ferri aurait dû développer un peu plus son idée. On pourrait lui objecter que la nécessité d’une action ne prouve pas que cette action soit raisonnable, et que (en se plaçant au point de vue des partisans du libre arbitre), sans blâmer la société qui serait irresponsable, on pourrait déplorer et regretter que sa justice s’exerçât sur un criminel irresponsable, On pourrait ajouter que l’humanité, devenant dans son ensemble plus raisonnable et plus logique, sentira le besoin d’avoir une conduite justifiable non plus seulement par le fait, mais par des principes, par des raisons raisonnables, si l’on peut dire, et qu’elle comprendra son absurdité. La question est là : la société sera-t-elle toujours déterminée, comme elle l’est maintenant, à punir des criminels qu’elle sait ne pas être libre d’exister autrement que comme criminels ? En d’autres termes, la répression des crimes est-elle non seulement déterminée, mais déterminée par des sentiments durables et par des sentiments que la raison approuve ? M. Ferri répond implicitement à cette question, qu’il ne pèse pas, en donnant pour raison dernière de la punition la nécessité de la défense sociale ou de la conservation sociale. Il est bien sûr en effet que les sentiments de conservation et de défense qui se rattachent au sentiment qui fait le fond de la nature humaine, au désir du bonheur, passeront toujours pour raisonnables et auront toujours une force suffisante pour déterminer les actions humaines.

Ainsi le libre arbitre peut être rejeté sans danger, et la science qui réglera l’application des peines aura deux critères fondamentaux : l’intelligence de l’accusé, et la nature des motifs qui ont déterminé le crime,

Passons à la seconde difficulté. Les anthropologistes ont prouvé à la vérité que les criminels constituent une sorte de variété anthropologique, ayant ses instincts, ses particularités physiques et psychologiques qui les séparent du reste des hommes et ne peuvent être changés. Mais, si cela est vrai pour bien des criminels, cela n’est pas exact pour