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bien ce que Stuart Mill a voulu faire : mais il l’a mal fait. C’est à lui seul qu’on peut adresser le reproche d’avoir dénaturé la logique en y introduisant des éléments étrangers.

IV

Il ne suffit pas de maintenir l’ancienne définition de la logique contre la théorie de Stuart Mill : il faut encore répondre aux objections de ce philosophe contre cette conception. La principale est celle qui ne voit dans le syllogisme qu’une pétition de principe..

Tout le monde accorde qu’on peut formuler la majeure : tous les hommes sont mortels, sans avoir égard à la conclusion : le duc de Wellington est mortel. Mais, et c’est là toute l’objection de Mill, la majeure, prise en elle-même, abstraction faite de celui qui l’affirme, n’est vraie que si la conclusion l’est aussi ; et, comme le raisonnement n’est rigoureux que si elle est vraie, il n’est rigoureux que s’il y a une pétition de principe.

Cette objection est sans réplique si l’on se place au point de vue de Stuart Mill, c’est-à-dire si l’on considère la logique comme portant, non sur des idées, mais sur des choses. Si le fondement de la vérité de la majeure, ce sont uniquement les faits, et si cette majeure est universelle, comme l’universalité ne vient pas de l’esprit, il faut bien qu’elle soit dans les choses, c’est-à-dire que la proposition représente tous les faits réels, sans exception, y compris celui qu’il s’agit de prouver. Seulement on peut reprocher à Mill d’avoir confondu deux choses fort distinctes et d’avoir introduit dans la logique de la conséquence, ainsi qu’il l’appelle, des considérations qui ne sont légitimes que dans la logique de la vérité. C’est lui qui introduit daris la place cet ennemi, qu’il ne parvient ensuite à chasser qu’en sacrifiant la place elle-même[1].

  1. Dans l’article qu’il a publié sur la valeur du syllogisme (Revue philos., août 1881). et qui est plein de vues ingénieuses et d’exemples heureusement choisis. M. P. Janet, en même temps qu’il réfute solidement la théorie de Mill sur le syllogisme, examine la question de savoir si le syllogisme enferme une pétition de principe. Suivant lui, la raison pour laquelle on ne peut adresser ce reproche au syllogisme, c’est que la conclusion n’est pas contenue dans la majeure seulement, mais à la fois dans la majeure et dans la mineure : c’est de la réunion des prémisses que jaillit en quelque sorte la conclusion Par suite, il va de soi qu’on peut affirmer la majeure sans songer à la conclusion.

    Rien de plus juste assurément : et une théorie complète du syllogisme doit tenir compte de cette très exacte observation. Mais Stuart Mill, au point de vue particulier où il se place, aurait, à ce qu’il nous semble, trouvé une réponse