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les propriétés de votre seconde matière, de votre milieu éthéré, vous n’aurez, au fond, rien fait que substituer un mystère à un autre.

On peut nous objecter que savoir si un atome matériel abandonné à lui-même continuera ou non son mouvement, c’est là une question à laquelle la science doit répondre oui ou non et dont la solution n’est nullement indifférente, au sens absolu, comme nous le soutenons. Mais on ne réfléchit pas alors que, dans la thèse posée, c’est une supposition illusoire que celle de l’espace absolument vide où se mouvrait ce point point matériel abandonné à lui-même, puisque le milieu éthéré est regardé comme ayant une existence objective et nécessaire. Dès lors, la question est seulement de savoir si, dans un mouvement, on attribuera la force vive à l’atome ou au milieu. Comme nous ne pourrons jamais percevoir les effets de cette force vive que dans la matière, puisque nos organes sensitifs sont matériels, cette question est réellement sans intérêt véritable au point de vue scientifique, à moins qu’une des deux réponses, ce qui paraît assez douteux, n’amène, par rapport à l’autre » d’importantes simplification dans les formules analytiques.

Quoi qu’il en soit, l’ouvrage de M. Pirmez est celui d’un esprit distingué et suffisamment compétent pour les difficiles problèmes qu’il aborde ; la lecture en est facile et intéressante.

Mais on peut reprocher à l’auteur d’apporter peut-être un peu trop sur le terrain de la science des habitudes, de polémiste qui ne sont une force réelle qu’en politique. J’entends par là qu’il se cantonne trop exclusivement dans sa thèse et semble ne vouloir rien voir en dehors de celle-ci et des opinions directement opposées qu’il a à combattre ; j’entends aussi qu’il accumule trop de raisonnements sans les peser tous avec assez de scrupule, et qu’à côté d’arguments valables et topiques il ne sait pas s’abstenir de véritables sophismes.

C’est surtout en ce qui concerne les tendances philosophiques de son livre que l’étroitesse des points de vue occasionne des conclusions plus ou moins singulières.

La cause suprême des phénomènes naturels est, en somme, pour {{|M.|Pirmez}}, l’action dynamique de l’éther ; « mais cette action dynamique elle-même est la puissance de Dieu se traduisant en acte dans le monde. C’est donc au sein de cette puissance que nous vivons, c’est par elle que nous nous mouvons et que nous sommes. »

« Ainsi se réalise au point de vue matériel cette grande pensée : In ipso vivimus, movemur el sumus. »

Sur quoi M. Pirmez affirme très sérieusement ses convictions spiritualistes ; c’est, paraît-il, un mot d’ordre en Belgique. Mais, oui ou non, son éther est-il matériel ? et quelle est cette doctrine de l’immanence à la matière de la Cause suprême, si ce n’est le pur panthéisme ? Ce n’est certes point parce qu’on aura dépouillé certains éléments de la matière de leurs propriétés pour exalter celles d’autres éléments que le caractère essentiel de la thèse en sera changé. Ce n’est point parce qu’on