Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
REVUE PHILOSOPHIQUE

sera simplement un retour à la tradition antique (l’éthique, partie de la politique dans Aristote, la notion de justice faisant le sujet de la République de Platon), et qu’il peut donc parfaitement ne pas compromettre les développements métaphysiques indispensables à l’histoire de la pensée humaine.

On dira sans doute que dans l’état troublé de la société actuelle, au milieu des divisions et des conflits des partis, la réforme indiquée soulèvera de sérieuses difficultés, et peut même créer des dangers personnels ; car d’une part le but avoué des réformateurs, de faire considérer toutes les idées religieuses qui ont eu cours jusqu’ici, comme des formes transitoires, de valeur seulement historique et à l’empire desquelles il faut donc soustraire les principes absolus de la morale, ce but ne peut manquer d’effrayer des consciences et de provoquer de violentes oppositions. D’autre part, si l’on doit exposer des principes politiques, il sera bien difficile de ne pas toucher aux questions actuelles et de ne pas aborder plus ou moins la critique des institutions gouvernementales.

Mais si ces difficultés, si ces périls existent, il ne faut pas les exagérer, et quand même, après tout, que faisons-nous ici-bas, si nous ne luttons point pour ce que nous croyons le progrès ? On finira sans doute par reconnaître que le plus sûr moyen d’atténuer ces divisions, affligeantes seulement en ce qu’elles ont des conséquences pratiques, consiste, au lieu de prétendre enfermer les jeunes gens dans un cercle d’idées exclusif et uniforme, à leur apprendre, aussitôt que possible, qu’il y a différentes manières de penser, également respectables en tant qu’elles reposent sur des convictions ; à les habituer à des discussions courtoises et sans passion, et à leur faire reconnaître, par la pratique de la tolérance, qu’il y a bien réellement dans tous les hommes un fonds moral semblable et commun, sous des apparences diverses qui tiennent surtout aux différences de l’éducation première.

Si le livre de M. Bresson a le succès que je lui souhaite, il peut être très utile dans le sens que nous indiquons, car il est d’exposition, non de polémique ; et en tout cas, à quelque parti ou à quelque opinion que l’on appartienne, on ne peut méconnaître l’œuvre d’un honnête homme, d’un bon citoyen et d’un cœur généreux.

PT.


Peter Knoodt. Anton Gunther. Eine Biographie. 2 vol. — Vienne, 1881. Wilhelm Braumüller.

Ces deux volumes intéressent peut-être plus les théologiens que les philosophes. Toutefois Günther, chef de toute une école, ne doit pas être passé sous silence dans une Revue philosophique. On nous le représente comme le premier philosophe de la monarchie autrichienne ; de nombreux professeurs de philosophie ont propagé ses idées, soit dans les séminaires, soit dans les facultés de théologie catholique ; même les protestants lui ont rendu justice. Nous n’entrerons pas dans de longs détails sur sa vie (1785-1863), dont le récit occupe près de la