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Bahnsen, là où elle se distingue véritablement de celle de Hegel, n’échappe pas mieux que cette dernière aux objections de la critique.

Canntoni. Emmanuele Kant (vol. I, La filosofia teoretica, Milan, Brigola 1879). — Cantoni croit que la philosophie italienne ne peut que gagner au contact de la philosophie de Kant. L’ouvrage qu’il entreprend est la première exposition complète qui ait été faite encore en Italie de la doctrine critique ; on s’était contenté jusqu’ici d’études de détail, Cantoni ne regarde pas la doctrine de Kant comme le dernier mot de la philosophie ; mais elle est pour lui le préliminaire indispensable de toute recherche sérieuse. Il n’hésite pas néanmoins à la contredire sur des points importants. C’est ainsi qu’il affirme la substantialité du moi sur la foi du sens intime ; qu’il voit dans le moi le type de toute substance et soutient la réalité de l’espace et du temps.

Malgré ce retour au dogmatisme, que Kant avait surtout à cœur de prévenir, le travail de Cantoni sera consulté avec fruit par ses compatriotes et par tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre de Kant.

Le premier volume, le seul qui ait encore paru, contient une intéressante et exacte étude sur les antécédents historiques de la pensée critique, sur la part qui revient à Descartes, à Locke, à Berkeley, à Hume dans le développement du génie et des idées de Kant.

Alfred Fouillée. La science sociale contemporaine, Paris. Hachette, 1880. — Les Allemands, familiarisés avec les travaux des sociologistes de leur pays, surtout ceux de Schaeffle et de Lilienfeld, auront grand profit et plaisir à retrouver dans le livre de Fouillée ces rapprochements entre les faits sociaux et les faits biologiques, qui leur ont été souvent présentés, mais jamais avec la précision élégante et l’art ingénieux dont les écrivains français et tout particulièrement Fouillée semblent avoir le privilège. Ils seront surtout frappés de la ressemblance des vues de Fouillée avec celles de Lilienfeld, que le philosophe français ne parait pourtant pas connaître. Ils liront avec intérêt le chapitre où Fouillée combat les conséquences politiques qu’Huxley et Spencer font sortir de la théorie de l’évolution, et cherche à se tenir à égale distance de ceux qui exagèrent le rôle de l’État jusqu’au despotisme centralisateur et de ceux qui le réduisent à une fonction de pure police.

Ed. v. Hartmann. Essais pour servir à l’histoire et à la démonstration du pessimisme (Zur Geschichte und Begründung des Pessimismus, Berlin, Duncker, 1880).

De ces quatre essais consacrés à la justification du pessimisme, le premier et le plus étendu traite de « Kant considéré comme le père du pessimisme », Il n’a manqué à Kant, selon Hartmann, que le courage d’être conséquent avec ses principes ; et, puisque sa doctrine morale lui commandait d’écarter de la pratique du devoir tout mobile intéressé, il aurait dû interdire à l’homme toute espérance d’une félicité terrestre ou supra-mondaine. Mais l’auteur oublie que Kant croit à la durée indéfinie et au progrès sans fin de l’homme, et, par suite, à l’accord futur de la vertu et du bonheur, et se refuse seulement à faire de cet accord