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nombre qu’il est nécessaire ? Il est tout à fait invraisemblable d’admettre que les mots existent tout formés dans le centre du langage comme ils existent par exemple dans un livre. Et cependant, quand nous voyons un aphasique qui peut prononcer les mots Kondrat (son nom), Suppe, Fleisch, Brod, et qui ne peut prononcer Kattri, Messes, Buch, il faut bien admettre qu’il y a quelque disposition intérieure qui est lésée : ce qui empêche les sons de former des mots et ce qui implique en même temps l’existence de ces dispositions ou arrangements à l’état normal. La thèse de M. Stricker, que nous allons exposer, se réduit donc à ceci : une sorte de touche pour chaque son, une structure anatomique pour former des mots avec ces sons (p. 76).

Remarquons, à l’appui de ce qui précède, que l’enfant, lorsqu’il commence à parler, émet d’abord de simples sons, puis des syllabes très simples, puis des fragments de mots, quelquefois en les combinant avec les syllabes qu’il peut prononcer le plus facilement. Tout s’accorde donc à démontrer que l’enfant commence par être maître de quelques centres de sons et que c’est peu à peu qu’il apprend à en faire des syllabes et des mots.

Dans l’état actuel de la science, on ne sait rien des dispositions anatomiques qui permettent d’assembler les sons en mots : l’auteur ne donne ce qui suit que comme une hypothèse.

D’abord il n’admet pas, contrairement à l’opinion générale, que les cellules nerveuses représentent les centres proprement psychiques. Elles forment des points nodaux (Knotenpunkte) pour les filets nerveux. Ces cellules sont reliées entre elles, puisqu’elles constituent des points de jonction, des stations centrales d’un réseau très complexe. Nous savons qu’un faisceau musculaire se compose de milliers de fibrilles musculaires qui supposent elles-mêmes des filets nerveux pour les innerver. Lors donc qu’une région de la couche corticale fait contracter les muscles de la lèvre supérieure, il faut que dans cette région des milliers de cellules envoient des milliers de fibres nerveuses dont la fonction sera de faire contracter la lèvre. Nous savons de plus, par l’anatomie, que dans la couche corticale, les cellules ne sont pas situées à des distances égales l’une de l’autre, mais ordonnées en groupes diversement éloignés. À l’aide d’un schéma que nous ne pouvons reproduire ici, l’auteur rend sensible pour les yeux son hypothèse ; il nous représente dans les centres nerveux deux zones : l’une moins étendue et moins riche en cellules ; l’autre au contraire plus riche et plus étendue.

Prenons comme exemples les centres nerveux des muscles des lèvres.

Nous sommes autorisés à admettre qu’un centre est formé par des milliers de cellules et de filets nerveux et est en relation avec d’autres zones de l’écorce par des milliers de nerfs, quoique chaque cellule n’en émette réellement qu’un petit nombre. Nous sommes aussi autorisés à supposer, par la disposition des faisceaux musculaires et de leurs centres nerveux, que l’excitation n’agit pas toujours sur le muscle entier. On peut très bien penser que la contraction se produit dans cer-