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Si Stuart Mill est suivi par Spencer et par Bain dans la campagne qu’il entreprend contre la logique déductive, il trouve un adversaire digne de lui dans Stanley Jevons. Les articles de ce dernier dans la Contemporary Review ont soulevé une vive émotion parmi les disciples de Mill, et provoqué dans les colonnes du Mind une instructive polémique.

Jevons se pose en défenseur convaincu non seulement de l’indépendance et du prix, mais encore de la supériorité de la méthode déductive, en regard des partisans exclusifs de la logique inductive. Il objecte résolument à Mill que l’induction expérimentale repose sur la déduction mathématique, et que le physicien ne peut faire un seul pas dans l’étude de la nature sans appuyer ses hypothèses sur les données de la mécanique pure : or la mécanique est une science de déduction à priori. Mais laissons la parole à Stanley Jevons : « Je n’hésite pas à soutenir que François Bacon, bien qu’il insistât avec raison sur le devoir d’en appeler constamment à l’expérience, n’avait pas une idée juste (had no correct notions) sur la méthode logique qui conduit à s’élever des faits particuliers aux lois de la nature. Je m’efforce de prouver que l’hypothèse par laquelle nous anticipons sur la nature est une part essentielle de la recherche inductive, et que c’est la méthode newtonienne du raisonnement déductif, combinée avec la vérification expérimentale attentive, qui a conduit à tous les grands triomphes de l’investigation scientifique. » Et, plus loin, Jevons ajoute : « Je m’efforce de montrer, dans un chapitre où je trace le portrait du véritable expérimentateur, que l’usage de la déduction en sens inverse (the inverse use of deduction) fut réellement la méthode logique des grands maîtres de l’expérimentation, comme Newton, Huyghens et Faraday[1]. »

La thèse que soutient Jevons contre les partisans exclusifs de la méthode inductive avait déjà trouvé un interprète autorisé dans Zœllner, dont le beau livre « sur les comètes », si riche de connaissances et d’idées, faisait, au nom de l’astronomie, le procès aux savants, anglais surtout, qui oublient trop aisément le rôle de la déduction mathématique.

L’intérêt du débat engagé entre tant d’excellents esprits sur la nature et les limites de la méthode inductive ne doit pas nous faire perdre de vue les applications nouvelles qui ont été tentées de cette méthode aux problèmes de la biologie, de la psycho-physique et de la sociologie.

À ses débuts, la méthode que le génie du xvie et du xviie siècle.

  1. Stanley Jevons, Principles of science, préface de la 3e édition, p. ix et x.