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dualité : la personne ne nous paraît avoir une signification spéciale que parce que nous sommes une telle personne, un zoïde. Abstraction faite du point de vue humain et des vues providentielles pour qui l’homme serait le vrai but de la création, dans la série des individualités, le zoïde ne forme pas une étape plus significative que les autres, un point fixe, où surgirait une individualité essentielle, point d’arrivée pour les formes antérieures qui ne seraient que des parties, point de départ pour les formes ultérieures qui ne seraient plus de vrais touts ; le zoïde n’est que l’un quelconque des termes de la série des individualités. De ce point de vue, l’individualité apparaît, nous le répétons une fois de plus, non comme le nom d’une classe d’êtres à part, mais comme une manière d’être, comme une qualité variable, équivalente au consensus organique, susceptible de plus ou de moins comme la concentration des organes elle-même, Mais alors la classification reste ouverte à ses deux extrémités, comme nous l’avons toujours demandé. Au-dessous des plastides, voici que l’on rencontre les plastidules ; nul ne sait si l’on n’ira pas plus loin ; au-dessus des zoïdes, il y a place pour les dèmes, c’est-à-dire pour les groupements de ces mêmes zoïdes. Et les dèmes, c’est-à-dire les sociétés d’animaux, ne seront pas, si elles atteignent un degré suffisant de con : centration organique, moins individuels que les zoïdes. Ce seront des personnes à leur tour. Nous avons le ferme espoir que cette vue, qui a été le point de départ de nos recherches philosophiques, sera lé point de rencontre de la biologie et de la sociologie dans leur marche l’une vers l’autre. Tous les efforts pour maintenir les barrières seront impuissants.

On ne peut savoir quelle place prendra l’organe dans une classification ainsi entendue. M. Perrier veut qu’il appartienne à une autre série, celle des individualités physiologiques, qui s’opposerait à la série des individualités morphologiques. Les unes comprendraient les plastides, les organes et les appareils, les autres les quatre degrés indiqués plus haut, plastides, mérides, zoïdes et dèmes. Si ce mot d’individualité morphologique signifie quelque chose, il désigne celles qui offrent aux yeux une figure à contours définis, globulaire, ramifiée ou linéaire, bref la disposition des lignes périphériques autour d’un centre ou d’un axe. Mais cette configuration est-elle un fait isolé, relevant de causes spéciales mystérieuses, ou n’est-elle pas plutôt le résultat d’un certain mode de fonctionnement, la traduction apparente du consensus vital ? M. Perrier a bien montré que la forme exprime la fonction et que l’un change avec l’autre dans toute la série, L’individualité physiologique sera donc morphologique aussi et réciproquement, c’est-à-dire que l’individu doué de formes définies sera tel, grâce à l’unité fonctionnelle de ses parties, et que l’organe aura revêtu sous l’action de cette même unité fonctionnelle une forme définie plus ou moins nettement caractérisée. Il ne restera plus rien pour distinguer l’organe de l’individu, si ce n’est la propriété de se suffire à soi-même et de circuler librement. Ce signe de démar-