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ANALYSES.g. cattaneo. Le colonie lineari.

cation paraîtra dans plusieurs cas décisif ; mais, dans une multitude d’autres, il demeurera incertain, des organes se rencontrant qui sont mobiles et des individus se rencontrant qui sont fixés, sans parler des êtres individuels qui se suffisent pour une fonction, la nutrition, mais ne peuvent se passer de leurs semblables pour toutes les autres (tous les dèmes sont composés de tels individus). Il faut donc se garder de trop insister sur cette distinction et maintenir le caractère relatif de l’individualité. M. Giard semble bien avoir eu raison d’écrire : « Il existe des passages par gradation insensible entre les personnes et les organes. La première personne d’une colonie de Pyrosomes devient un organe, le cloaque commun du cormus. Les diverses personnes d’un cormus de siphonophores ont aussi le plus souvent la valeur de simples organes. Dans cette question de l’individualité, comme partout ailleurs, la nature procède par transitions infiniment petites et jamais par sauts. » En général c’est à chacun des quatre degrés pendant la période où la différenciation interne est encore faible, que les masses organiques, commençant à revêtir l’aspect de personnes, restent aptes à devenir des organes. Plus tard quand chaque individu est très différencié, il résiste au fusionnement. De même l’unité de l’Amérique du Nord était plus facile à opérer que ne le sera celle de l’Europe, si elle doit jamais se faire.

M. Cattaneo a négligé cette question ; mais le lecteur ne doit pas oublier que son ouvrage, dérivé de celui de M. Perrier, ne traite qu’accidentellement de ces généralités et qu’il a pour sujet propre de démontrer que les mollusques sont des animaux simples et non des colonies linéaires (métamères) dégénérées. Nous n’avons pas à le suivre à travers les phases diverses de cette démonstration, qui est un modèle pour l’enchainement des parties et la rigueur de la méthode. Il appartient aux biologistes seulement d’apprécier la valeur de ces conclusions ; nous devions rendre hommage à la justesse des idées générales qu’il développe quand il traite de l’individualité, de sa nature et de ses degrés. Cette question est nôtre, parce que, selon qu’on adopte la série fermée ou la série ouverte, c’est-à-dire selon qu’on regarde les individus comme une catégorie d’êtres prédéterminés à ce rôle et incapables de devenir organes dans un dème (société) ou qu’on y voit les moments sucessifs d’une évolution qui se continue au delà des animaux dits individuels, et qui peut présenter de nouvelles individualités collectives à l’infini (famille, horde, cité, nation, États-Unis), il y a ou il n’y a pas un passage de la biologie à la sociologie, Or, selon nous, il importe d’admettre ce passage. Il réside, comme nous l’avions cru démontrer, dans la fonction de reproduction, qui devient à la fois représentative, et organique psychique et physiologique dès que les êtres distincts pourvus de sexes possèdent des pouvoirs intellectuels suffisants pour se connaître et ensuite pour entretenir avec leurs jeunes une vie de relation quelque peu durable[1]. Par là, à maintes reprises, dans la série animale, des individua-

  1. Cf. Spencer, Principes de sociologie, vol.  II, pp. 191, 192, 197 de la trad.