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et de qualités morales ; mais elle reste toujours une volonté extérieure, l’ordre d’un Dieu qui se fait obéir, punit et récompense. Plus haut encore, ce n’est plus une puissance extérieure, mais une norme qui est dans la nature rationnelle de l’individu, que l’individu conçoit, détermine, réalise ; dès lors, il agit avec autonomie selon des principes qu’il connaît. — D’une manière générale, la norme morale de chaque homme résulte de sa conception du bien, de ce général auquel il se subordonne ; immoral est celui qui se laisse aller aux motifs du moment et oublie des principes qu’il a reconnus vrais.

Par rapport à la conscience d’une norme morale, on peut ramener les actes et les volitions de l’homme à trois groupes : 1o actes immédiats, sans conscience claire d’une règle morale : c’est l’état de l’homme de nature, de l’enfant, de certains malades ; 2o actes accomplis avec conscience claire et réfléchie de la règle morale : ici apparaissent Les collisions, les luttes, les déchirements de la volonté, ayant peine à se surmonter elle-même ; 3o actes immédiats, précédés de la conscience d’une norme morale, devenus habituels et comme naturels : c’est le degré du caractère moral ayant dépassé le point des luttes et des collisions, identifié avec la norme morale elle-même, ne connaissant plus même la possibilité d’un acte immoral.

C. Nohle. La politique de Platon considérée dans son développement historique. Iéna, 1880. — L’auteur, reprenant une idée de Kant, veut montrer que la république de Platon n’est pas une fantaisie poétique, mais bien qu’elle repose sur des fondements scientifiques. Après diverses considérations sur les castes que rêve Platon et le rôle de ces gouvernants philosophes, l’auteur du compte rendu, Tönnies, arrive à ces conclusions : Platon se proposait de sauver l’organisme social, menacé dans son existence. La désorganisation survenue n’était la faute ni de la philosophie, ni de la sophistique, mais bien de cet ébranlement qui avait bouleversé les relations sociales, en enlevant à l’État ses fondements primitifs, la religion et la foi ; maintenant c’était sur la philosophie qu’il devait s’appuyer ; au lieu d’être des prêtres, comme aux premiers temps de l’heureuse simplicité, les gouvernants devaient être des philosophes, et la philosophie devait pénétrer de son esprit tout l’ensemble des institutions. — Le livre intéressant de C. Nohle aura eu le mérite de rappeler l’attention sur cette portée pratique de la politique platonicienne.

F. Evellin. Infini et quantité. Paris, 1881. — La notion de l’infini, ce rocher de Sisyphe de la philosophie, est reprise par Evellin dans un esprit nominaliste, plein des tendances du criticisme moderne, Après avoir fait l’historique du problème en insistant sur la solution de Kant, J’auteur dans une savante et intéressante discussion, étudie l’infiniment grand et l’infiniment petit. Il poursuit ces notions dans le domaine des choses concrètes, dans la nature, puis dans la sphère de l’abstraction