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d’elles, et quels problèmes elles ont toutes laissés à résoudre.

M. Cesca attribue un mérite spécial, pour quelqu’une des questions dont l’ensemble forme celle de la localisation, à Riehl, Kant, Classen, Herbart, Waitz, Bain, Taine, Delbœuf, Lotze, Helmholtz et Spencer. « Le mérite de Riehl est d’avoir distingué la notion de l’espace mathématique de celle de l’espace sensible, et d’avoir montré que la caractéristique de l’espace est dans la notion de quelque chose hors de nous, dont les parties sont l’une en dehors de l’autre. Kant aura démontré la priorité relative de la notion d’espace. Classen a distingué nettement le premier problème du second et montré que les diverses théories (sauf la psychogénétique, qui n’est pas la sienne) n’ont pas réussi à résoudre le premier. Waitz a eu quelque succès dans la critique qu’il a faite du sens musculaire comme origine de la notion d’espace, et Bain, Taine et Delbœuf un très grand à montrer, le premier avec des arguments psychologiques, et les deux autres avec des arguments psychogénétiques, que la représentation d’espace n’est pas originaire, mais acquise, et surtout à la suite du mouvement. Lotze, à son tour, a résolu définitivement le troisième problème et a distingué le premier du second. Helmholtz a fait une juste critique de la théorie nativiste et apporté contre l’originalité de la représentation spéciale un solide argument psycho-physiologique. Enfin Spencer a montré la genèse de notre idée actuelle de l’espace (p. 143). »

C’est, en somme, à Kant et à Spencer que M. Cesca fait la plus belle part pour les résultats encore incertains de cette laborieuse tentative d’explication. La théorie kantienne contient, dit-il, « une vérité inattaquable, la priorité relative de la notion d’espace. Cette assertion de Kant ne détruit pas, comme on pourrait le croire, toute théorie génétique, puisqu’il y en a une qui peut admettre et expliquer très bien ce fait inattaquable, et c’est la théorie psychogénétiqne. Spencer a démontré, nous l’avons vu, que la nouvelle psychologie expérimentale ne peut se limiter à la conscience de l’homme blanc, civilisé et adulte, qu’elle doit étudier les âmes du sauvage, de l’enfant et de l’animal, et qu’après ces recherches, elle doit accepter le principe de la lente évolution mentale opérée par l’organisation de l’expérience dans toute la série animale. Ce qui apparaît à notre conscience comme un fait antérieur à l’expérience individuelle, un fait ultime, à priori, ne peut plus être considéré comme tel, parce qu’il apparaît à la recherche psychogénétique comme un fait réductible à d’autres facteurs et dépendant de l’expérience animale. » Telle est la notion d’espace. Nous devons soutenir, dit l’auteur, la théorie spencérienne, comme la plus juste, dans sa conception fondamentale, et malgré les erreurs qui s’y trouvent et qu’il faudra corriger. Ces erreurs, qui ont empêché de résoudre complètement le problème, proviennent : 1o de la confusion entre la genèse de la notion d’espace et la genèse de la détermination d’une position dans l’espace ; 2o de la confusion entre les divers éléments de la notion d’espace et de son insuffisante analyse.