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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

l’air qui l’emplissait est chassé. Enfin c’est du cœur, source de tout mouvement, que le poumon reçoit son impulsion (Des parties, III, 6).

Nous avons déjà signalé le traité De a Respiration comme un des plus importants de la collection aristotélique. Il nous fait connaître cinq systèmes antérieurs à Aristote sur la respiration non seulement de l’homme, mais des poissons : ces systèmes sont ceux d’Empédocle, de Démocrite, de Diogène d’Apollonie, d’Anaxagore, et enfin celui de Platon dans le Timée.

En ce qui concerne les poissons, Anaxagore prétendait qu’au moment où ils rejettent l’eau par les ouïes, ils aspirent l’air, qui vient alors dans leur bouche parce qu’il ne peut y avoir de vide nulle part. Cela semblerait indiquer qu’Anaxagore n’envisage comme respiration des poissons que l’acte par lequel ils hument l’eau de la surface ou même l’air atmosphérique en forme de bulles qui ressortent par les ouïes. — Diogène d’Apollonie soutenait de son côté que les poissons, par les mouvements de leurs ouïes, tirent l’air de l’eau en raison du vide qui se fait dans leur bouche à ce moment. Diogène admet évidemment que l’eau contient de l’air, mais cela ne veut pas dire — très probablement — qu’il ait cru cet air susceptible de se dégager sous une forme visible dans la bouche des poissons. Quoiqu’il en soit il ressort de tout cela, et c’est l’important, que plus d’un demi-siècle avant Aristote la question de la respiration des animaux aquatiques était déjà l’objet de l’attention des physiologues : à plus forte raison sans doute celle de l’homme et des vertébrés supérieurs devait-elle les occuper. Une longue citation d’Empédocle nous fait connaître comment il expliquait le mécanisme de cette fonction chez l’homme. Aristote lui reproche de l’avoir localisée dans les narines ; c’est ce qui semble résulter en effet du passage dont nous parlons. En cherchant à l’interpréter on voit que le poète physiologue admet des sortes de ramification de la trachée dans les narines ; ceci s’explique d’ailleurs par le rapprochement qu’il fait des veines, des artères lisses (= carotides) et de l’artère rude (= trachée-artère) au cou. Tous ces conduits pour Empédocle contiennent du sang. Aristote sait, au contraire que la trachée-artère ne donne passage qu’à l’air ; c’est une découverte qu’il convient de placer en conséquence vers le temps de Démocrite et d’Hippocrate. Voici, selon toute apparence, comment on peut se figurer le système d’Empédocle. Les artères, la lisse (aorte) et la rude, cette dernière tout au moins, se ramifient vers les narines. Ces ramifications offrent des pores assez fins pour laisser passer l’air seulement et retenir le sang léger (τέραν) contenu dans les derniers tubes. Quand il monte, il chasse l’air, c’est l’expiration ; quand