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L’EXPÉRIMENTATION EN PSYCHOLOGIE

PAR LE SOMNAMBULISME PROVOQUÉ

(Fin[1].)

VII

« Un caractère des actes effectués dans un moment éloigné de l’époque de la suggestion, c’est que l’initiative pour leur mise à exécution à l’instant où la pensée en naît, paraît au sujet venir de son propre fond, tandis que, pourtant, sous l’empire de la détermination qu’on lui a fait prendre, il marche au but avec lu fatalité d’une pierre qui tombe et non avec cet effort réfléchi et contenu, cause de toutes nos actions raisonnables. » Ces paroles du Dr Liébault caractérisent d’une façon magistrale l’état de la volonté dans le somnambulisme provoqué. Je puis dire à un hypnotisé pendant son sommeil : Dans dix jours vous ferez telle chose à telle heure et je puis vous écrire sur un papier daté et cacheté ce que je lui ai ordonné. Au jour fixé, à l’heure dite, l’acte s’accomplit et le sujet exécute mot pour mot tout ce qui lui a été suggéré ; il l’exécute convaincu qu’il est libre, qu’il agit ainsi parce qu’il l’a bien voulu et qu’il aurait pu agir autrement ; et cependant si je lui fais ouvrir le pli cacheté, il y trouvera annoncé dix jours à l’avance l’acte qu’il vient d’exécuter. Nous pouvons donc nous croire libre et ne pas l’être. Quel fond pouvons-nous donc faire sur le témoignage de notre conscience, et ce témoignage, n’est-on pas en droit de le récuser, puisqu’il peut nous tromper ainsi ? Et que devient l’argument tiré, en faveur du libre arbitre, du sentiment que nous avons de notre liberté ? Je demande la permission de citer ici un passage de ma Physiologie : « L’activité cérébrale, en un instant donné, représente un ensemble de sensations, d’idées, de souvenirs, dont quelques-uns seulement sont saisis par la conscience d’une façon assez forte pour que nous en ayons une percep-

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.