Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
BEAUNIS. — l’expérimentation en psychologie

qui l’endort et met son attention accumulée et ses sens au service de cette idée » (p. 52). Le sujet, dit Carpenter, est possédé par la conviction préconçue qu’une individualité particulière est destinée à exercer sur lui une influence spéciale (p. 455, 4e édition). Pour l’auteur anglais, c’est un effet d’une idée prédominante, et cette idée de rapport est suggérée, soit directement, soit indirectement, par le magnétiseur lui-même, sans qu’il s’en rende compte quelquefois ; c’est une suggestion comme toutes les autres. D’après Carpenter, l’histoire du mesmérisme en donnerait une preuve frappante. Mesmer lui-même et ses disciples immédiats ignoraient ce phénomène du rapport et cette prétendue loi du rapport ne s’établit que par la suite. Carpenter, en expérimentant sur des sujets qui n’avaient jamais assisté à des séances de magnétisme et n’avaient aucune idée de ces phénomènes, a vu que chez les sujets ainsi hypnotisés pour la première fois, le rapport existait aussi bien avec les personnes étrangères qu’avec l’endormeur lui-même. Du reste, ajoute-t-il, les personnes qui s’hypnotisent elles-mêmes pour la première fois et sans penser spécialement à une personne déterminée plutôt qu’à telle autre, sont aptes à communiquer avec tous les assistants et à en recevoir des suggestions. Certains faits que j’ai observés me porteraient aussi à me ranger à cette opinion. Il en est cependant qui sont difficilement explicables ainsi et qui sembleraient indiquer un rapport réel entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé. Mais je ne puis m’étendre sur cette question qui est plutôt du ressort de la physiologie que de la psychologie.

X

J’ai dans les paragraphes précédents passé en revue les phénomènes psychologiques les plus importants du somnambulisme provoqué. À ce travail analytique et descriptif devrait logiquement succéder la synthèse. Il resterait maintenant à interpréter ces phénomènes, à en chercher l’explication, à voir quelles lumières ils jettent sur le mécanisme de la pensée, à donner enfin une théorie générale du somnambulisme provoqué. Mais cette tentative serait aujourd’hui prématurée et la solution du problème ne sera possible que quand les fonctions du cerveau et spécialement la physiologie du sommeil naturel seront mieux connues qu’elles ne le sont actuellement. Nous en sommes encore pour longtemps peut-être à Ia période d’expérimentation et d’analyse ; la synthèse ne pourra venir que plus tard.