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autre attribut quelconque, attendu d’abord qu’il n’en est aucun dont l’élévation à l’absolu soit plus aisée que celle de la liberté, puis aucun dont nous puissions essayer sérieusement l’élévation à l’absolu sans le voir se résoudre en liberté. La liberté consiste à déterminer soi-même ce qu’on fait, et par conséquent ce qu’on est, car s’il est possible de distinguer ces deux choses, ce qu’au fond je n’admets pas, au moins reconnaîtra-t-on que ce qu’on fait dépend toujours de ce qu’on est. La liberté parfaite consiste donc à se faire ce qu’on est : tenons-nous ferme à ce point, puisque ce que nous cherchons dès le commencement c’est à voir en quoi peut consister la création d’un être libre. Nous ne trouvons pas en nous cette liberté parfaite, mais nous savons qu’au moment où nous songeons pour la première fois à l’y chercher, nous nous sommes déjà déterminés nous-même en tant qu’individu, et nous savons que des ancêtres dont nous formons le prolongement ont déterminé par leurs actes le point de départ de notre existence individuelle. Pour conserver la croyance à l’obligation morale, ce qui est un devoir, nous devons croire à notre liberté, nous devons même nous attribuer plus de liberté que nous ne serions conduits à le faire si nous scrutions les circonstances de notre vie sans égard aux suites pratiques de leur interprétation. Nous devons nous attribuer le plus de liberté possible, et nous savons que cette liberté est déjà bornée par nos propres antécédents. En approfondissant, en élargissant comme il convient les considérations que nous venons de présenter, nous voyons qu’il faut attribuer à l’homme primitif le plus de liberté, par conséquent le moins de détermination possible. Et cependant nous ne saurions partir de l’absolue indétermination, ce serait partir du non-être. Telle est l’extrême difficulté du problème de la liberté, qui se confond avec celui de la création, puisqu’une créature sans liberté resterait sans être propre : D’un côté nous devons croire à la liberté, condition de l’ordre moral. De l’autre nous ne pouvons pas identifier l’homme avec le principe de l’univers, parce que nous ne trouvons en lui rien d’absolu ; nous voulons partir de Dieu, parce que nous avons besoin de croire en Dieu, dont le sentiment de l’obligation nous atteste l’existence. Nous statuons donc une création, et nous nous considérons comme une créature de Dieu, c’est-à-dire que nous plaçons la substance, la base, la raison de notre être (autant d’expressions synonymes) dans une volonté, dans un acte de notre Dieu. Nous sommes de race divine, il ne saurait en être autrement s’il est un Dieu — nous devons rester distincts de Dieu, puisque notre but, notre bien ne saurait être qu’une union morale avec Dieu, qui suppose cette distinction. C’est entre ces ter-