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revue générale. — p. tannery. L’exégèse platonicienne.

ne doivent avoir aucune communication avec l’autre côté de la terre, et Platon peut le choisir pour théâtre de son mythe sur l’enfer.

À propos du Théétète, Teichmüller réfute facilement les autres tentatives auxquelles a donné lieu la chronologie du dialogue, et il montre comment on a pu se tromper sur la signification de certaines allusions ; il explique notamment celles de la p. 175, C. E., comme se rapportant à son séjour à la cour du tyran Denys, et comme visant en particulier Philistus, qui a pu l’attaquer dans un écrit composé vers 385. Quant au Ménon, il critique les arguments que lui a opposés Chiappelli, et montre dans ce dialogue des allusions d’une part au Théétète, de l’autre à Démocrite (définition de la couleur, p. 76).

Sur les dialogues suivants, nous ne rencontrons que quelques pages où nous devons voir plutôt une promesse d’un nouveau livre qu’une démonstration en règle des thèses avancées sur la question chronologique. Je me contenterai donc d’indiquer les arguments principaux de ces thèses.

Le Gorgias est antérieur au discours d’Isocrate, Πρὸς Νικοκλέα, ainsi qu’à celui Περὶ ἀντιδόσεως, qui font réplique au dialogue de Platon.

Dans le Sophiste (217-c), Teichmüller voit une allusion très nette au Parménide, et dans le nom donné à l’un des interlocuteurs de ce dernier écrit, la preuve qu’il suivit l’arrivée d’Aristote à Athènes.

C’est surtout sur ces derniers dialogues que nous devons attendre avec impatience un nouveau volume de l’illustre professeur de Dorpat.

Le but que s’y est proposé Platon reste toujours enveloppé d’un certain mystère, et Teichmüller lui-même a varié d’opinion à ce sujet. Dans son premier volume des Literarische Fehden (p. 225-226), il admettait notamment que le Parménide était dirigé contre des apories soulevées par Aristote avant sa rupture définitive avec le maître : maintenant, au contraire, il pense que ce dialogue est des premières années pendant lesquelles Aristote suivit les leçons de Platon ; il rappelle l’anecdote (Diogène Laërce, III, 37), d’après laquelle le jeune Stagirite serait seul resté, de tous ses condisciples, à écouter la lecture du Traité de l’âme[1], et croit que Platon, en donnant le nom d’Aristote à l’un des interlocuteurs, aura voulu récompenser l’attention qu’il avait témoignée, et signaler son aptitude pour les discussions les plus abstruses.

J’ai à peine besoin de rappeler que l’authenticité du Parménide, comme celle du Sophiste, a été vivement attaquée en Allemagne. Il est facile de se rendre compte, en lisant les écrits où elle a été également combattue en France par M. Ch, Huit, qu’il n’y a à faire valoir contre elle aucun argument véritablement probant. La vraie raison de ces attaques consiste évidemment dans l’obscurité qui règne sur le but de ces dialogues : mais ce n’est pas résoudre un problème que de le nier.

  1. Si cette anecdote a quelque vérité, on ne peut évidemment reconnaître le Phédon dans ce traité Περὶ Ψυχῆς. L’objet du Parménide est d’ailleurs incontestablement l’essence (οὐσία) ou l’âme du monde.