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que quelquefois méconnue, a une valeur objective parce qu’elle dérive de l’essence de la conscience de soi qui appartient en commun à tous les êtres conscients. De même il y a un certain nombre d’évaluations qui dérivent de l’essence de la conscience. Le point de départ de ces évaluations c’est qu’on estime beaucoup son existence propre, comme celle d’un être qui a conscience de soi.

En réalité les Idées du Vrai et du Bien sont les puissances directrices du monde, elles ne sont pas acquises par l’observation extérieure, mais elles ne sont pas non plus des connaissances innées. Elles dérivent de l’essence de la conscience et nous sommes constitués par elles. Elles ne sont pas la connaissance des choses extérieures, mais elles découlent de ia réflexion d’un être conscient sur sa pensée et sa valeur.

Il est de même de l’Idée du Beau. Quant aux autres formes communément acceptées d’idées, l’idée du droit, de la perfection, les idées qui accompagnent la création artistique etc, il est aisé de se rendre compte de ce qu’elles sont en partant des Idées du Vrai, du Bien et du Beau.

R. Eucken. La philosophie de la religion d’après Fortlage. De bonne heure Fortlage a été attiré vers les questions religieuses, peut-être parce qu’il y avait en lui des directions différentes dont la conciliation s’imposait sans cesse à sa pensée. Mystique au meilleur sens du mot, il cherchait à donner une clarté et un fondement scientifiques à tout ce qu’il saisissait et appréciait. Il a laissé plus ou moins avancés un grand nombre de traités dont plusieurs étaient manifestement destinés à l’impression. L’un d’eux (l’Idéal moral de l’humanité d’après le christianisme) a paru récemment, mais il ne saurait donner une idée complète des opinions de Fortiage en matière de philosophie de la religion. Il convient de les faire connaître en abrégé d’après l’ensemble des manuscrits qu’il a laissés. Sa philosophie de la religion s’accorde absolument avec tout son système. La métaphysique et la philosophie de la religion ont pour but l’être le plus élevé, l’esprit primitif ; la première recherche la vérité suprême, la seconde le souverain bien. Dans son idéalisme, Fortlage, à la suite de Fichte, accorde la préférence à la raison pratique sur la raison pure. La religion complète la morale ; la philosophie de la religion est la partie la plus élevée de la morale scientifique.

Le point de départ des recherches de Fortlage, c’est la tendance religieuse (Religionstrieb). La religion, telle qu’elle se développe dans l’univers, est le produit de l’inclination religieuse se gouvernant et se développant elle-même. Le point de départ empirique de la vie religieuse, ce sont les sentiments religieux comme le point de départ empirique de la morale, ce sont les sentiments moraux. La pitié et le repentir font que l’homme cherche à s’unir à des puissances supérieures à lui qui puissent lui venir en aide quand ses forces sont épuisées. De là la croyance religieuse.

Mais le sentiment n’a de valeur qu’autant que la raison est encore trop faible pour atteindre son but ; par lui seul, il est assez peu puis-