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CHAUVET. — un précurseur de ch. bell et de f. magendie

un triple but. Elle a voulu donner aux organes de perception la sensibilité ; aux organes de locomotion, la motilité ; à tous les autres, la faculté de reconnaître leurs lésions. C’est ainsi que la langue, les oreilles, les yeux, les mains, surtout la partie interne, l’estomac, surtout l’orifice, ont reçu des nerfs considérables qui les rendent particulièrement aptes à sentir et à percevoir. Les organes moteurs ont reçu également de grands nerfs, qui les rendent particulièrement aptes à mouvoir. Et partout se trouvent des nerfs, inégaux comme les parties mêmes, qui nous avertissent par la douleur de ce qui leur nuit et les compromet. »

Liv. VIII, ch.  v. — « À chaque sens il faut un nerf mou ; un nerf, sans quoi l’organe ne serait pas sensible ; un nerf mou, sans quoi il ne serait pas modifié par l’objet extérieur, qui ne serait pas senti. On comprend que ce qui est mou est plus propre à subir une impression, et ce qui est dur à produire une action. Et voilà pourquoi les parties sensibles ont des nerfs mous, et les parties mobiles des nerfs durs. Et voilà pourquoi ceux des sens qui obéissent à la volonté et se meuvent à son ordre ont, à la fois, des nerfs mous et des nerfs durs. Cela se voit dans les yeux et la langue, qui ont les deux espèces de nerfs, tandis que le nez et les oreilles n’ont que la première. De là, il résulte que la lésion d’un nerf, dans les sens capables à la fois de sensation et de mouvement, n’atteint que l’une de ces opérations, suivant la nature du nerf lésé. On peut observer ce fait dans la langue, laquelle perd quelquefois la faculté de se mouvoir, et quelquefois la faculté de percevoir les saveurs.

« Notez que les nerfs durs et les nerfs mous ne dérivent pas des mêmes parties de l’encéphale et ne s’insèrent pas sur les mêmes parties des organes. Les nerfs mous ont leur point de départ et leur centre dans les parties molles du cerveau ; les nerfs durs, dans les parties dures. Et quant à l’organe, ils se rendent précisément à la partie qui convient à leur fonction propre. Ainsi, la langue, par sa face externe, est en rapport avec les saveurs : c’est la face externe qui reçoit les nerfs mous ; elle est mue par les muscles : ce sont les muscles qui reçoivent les nerfs durs. Il en est de même des yeux : tandis que les nerfs durs s’insèrent sur les muscles, les autres s’épanouissent dans la partie essentielle à la vision. »

Ch. vi. — « L’encéphale est le commun principe des nerfs, la substance dont ils sont formés. Il en diffère toutefois par une moindre densité, condition convenable dans un organe où aboutissent toutes les sensations, où naissent toutes les fantaisies de l’imagination, où se forment toutes les pensées de l’intelligence. On y distingue, comme il est naturel, la même dualité que dans les nerfs : il a une partie plus molle, c’est l’antérieure, d’où sortent les nerfs mous ; et une partie plus dure, que les anatomistes appellent parencéphale (le cervelet), d’où sortent les nerfs durs. Pour que l’une de ces parties ne blessât pas l’autre, la nature a formé d’un repli de la dure méninge (dure-mère) une