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CHAUVET. — un précurseur de ch. bell et de f. magendie

mous, qui sont les plus propres à éprouver une impression. Aux organes qui joignent le mouvement à une sensation supérieure, aux yeux, aux oreilles, à la langue, elle a donné les deux espèces de nerfs, pour atteindre un double résultat. Et elle a eu le soin d’insérer le nerf mou sur la partie qui est proprement l’instrument de la sensation, le nerf dur sur le muscle, instrument du mouvement. »

Ch. III. — « Il y a un rapport constant entre le degré de mollesse du nerf et le degré de sensibilité de l’organe, entre le degré de dureté du nerf et le degré de motilité des parties. Le volume des nerfs est également en proportion de la subtilité et de l’énergie de l’opération. Là-dessus, la nature ne varie pas. Les nerfs les plus mous et les plus volumineux de l’encéphale vont aux organes les plus sensibles, et, par exemple, aux yeux, qui discernent tant de choses et de si petites. Les nerfs les plus durs et les plus volumineux de la moelle épinière vont aux organes les plus énergiquement mobiles, et, par exemple, aux mains et aux pieds, qui déploient tant d’activité. »

Ces analyses où la même idée et, notons-le, l’idée essentielle, l’idée neuve, se représente sans cesse, sont, ce me semble, d’une clarté parfaite.

On y voit d’abord la doctrine connue pour être celle de la médecine alexandrine. Elle se résume ainsi. Le système nerveux comprend l’encéphale (cerveau), le parencéphale (cervelet) et la moelle épinière, des deux côtés de laquelle s’échappent des cordons nerveux, qui vont se divisant et se subdivisant à l’infini. Ces nerfs sillonnent le corps entier en tous sens, et s’insèrent sur toutes les parties qui les réclament pour remplir leurs fonctions, lesquelles se réduisent à deux, sentir et mouvoir. Et ce sont ces nerfs, agents de sensation et de mouvement, qui font du corps un être vivant et animé, un animal.

Mais on y voit aussi une doctrine toute nouvelle, qui paraît pour la première fois avec Galien au sein de l’alexandrinisme médical, c’est la distinction de deux sortes de nerfs absolument différents. Les uns, qui sont mous, sortent de l’encéphale, se rendent dans les organes des sens ou dans les viscères, et y déterminent la sensation. Les autres, qui sont durs, sortent du parencéphale et de la moelle épinière, se rendent dans les organes locomoteurs, dans les muscles, et y déterminent le mouvement. Et cette qualité d’être mous ou durs s’accorde parfaitement avec leur différente propriété de sentir ou de mouvoir ce qui est mou étant plus particulièrement propre à subir une impression, ce qui est dur étant plus particulièrement propre à produire une action.

Il y a donc les nerfs de la sensation et les nerfs du mouvement ; Galion ne manque pas une occasion de l’affirmer. Et il insiste. Ces nerfs ne peuvent échanger leurs propriétés et ne les échangent jamais. Les nerfs de la sensation sont inhabiles au mouvement ; les nerfs du mouvement sont inhabiles à la sensation ; et il est tout aussi impossible de mouvoir par les premiers que de sentir par les seconds. À tel point, dit