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sourds-muets ont une moyenne de 1,94 à droite et de 1,68 à gauche ; le mancinisme domine encore.

Ferri. Le sentiment religieux chez les homicides. — Ce passage détaché du livre sur l’homicide, qui va paraître, nous donne quelques détails curieux sur les croyances religieuses des assassins. Il paraît qu’un grand nombre d’entre eux, selon la remarque déjà ancienne de Lombroso (Uomo delinquente, p. 440 et sqq.) ont des sentiments religieux assez développés ; ce qu’attestent leurs tatouages, dans lesquels les symboles religieux sont très fréquents ; leur argot, qui appelle Dieu, « le premier-né », l’âme « la perpétuelle » ; l’Église « le salut », etc. ; leurs idées superstitieuses qui leur font croire qu’ils se lavent du crime en trempant le doigt dans le sang, et en le suçant, ou en portant pendant une année la même chemise ; leurs rosaires, leurs amulettes, et leurs images sacrées qu’ils adorent avec ferveur ; leurs habitudes de pratiquer, de fréquenter les églises, de communier souvent, de faire maigre le vendredi, leurs prières à Dieu et aux madones pour demander le secours divin dans la perpétration de leurs crimes, et enfin leur conviction que la confession les absout de toute responsabilité. En somme, très peu d’homicides sont des athées, comme Lacenaire, Lemaire, Mandrin, Lapomeraie. Parmi tous ceux qu’il a examinés, Ferri n’en a trouvé qu’un seul qui ne crût pas en Dieu, et un seul qui fût indifférent à ce sujet. Tous les autres croyaient en Dieu, et la plupart croyaient aussi à l’Église.

Barzilai, Lombroso et Bianchi. Misdea. — L’importance de cette affaire au point de vue médico-légal nous détermine à en donner un compte rendu développé. Salvatore Misdea est le nom d’un soldat qui a tué ses compagnons par une férocité innée, et par haine de tous les Italiens qui ne sont pas Calabrais. La science a été appelée à porter son jugement sur des faits qui sont heureusement rares dans l’histoire de l’humanité. Le 13 avril 1884, dans la soirée, quelques soldats se disputaient dans la caserne. Le caporal Romoroni leur donna l’ordre de se taire, et engagea le caporal Trovato à se retirer dans sa chambre. À ce moment entrait Misdea qui, se tournant vers Romoroni, lui dit : C’est parce que Trovato est Calabrais que vous l’envoyez dehors, » et il le prit par sa tunique. Le soldat Codara voulut s’interposer, il fut repoussé par Misdea qui lui dit : « Ne m’ennuie pas, parce que ce soir il me passe des frissons par la tête, et je suis bon pour répondre à qui voudra se mesurer avec moi, l’un après l’autre. » On retint le bras de Misdea qui, furieux, ajouta ces mots : « Codara, cette nuit, je te couperai la tête. » Cependant le calme se rétablit, et Codara s’éloigne et va s’asseoir sur le lit d’un de ses camarades, où il se met à causer avec d’autres soldats qui se trouvaient là. Tout à coup une détonation retentit, et le soldat Zanoletti tombe à terre en gêmissant. C’est Misdea qui vient de saisir un fusil et qui a fait feu. Les coups de fusil recommencent ; deux autres soldats sont grièvement blessés. Les vitres de la salle tombent en éclats ; les lampes s’éteignent. Au milieu de l’obscurité, les soldats essayent de se sauver, en courant à quatre pattes sous les lits de la chambrée.