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qu’est l’un, il pourrait dire ce que sont les choses. La difficulté, semble-t-il, était que chaque chose sensible est pluralité, soit eu égard à ses attributs, soit par division, et qu’il pose le point comme n’étant rien ; car ce qui ajouté n’augmente pas, retranché, ne diminue pas, il le considérait comme ne faisant pas partie de ce qui est… Si Zénon était devant nous, nous répondrions qu’en acte ce qui est un n’est pas pluralité ; l’unité lui appartient proprement, la pluralité n’est qu’en puissance. »

L’élève d’Aristote tient naturellement à appliquer les formules de son maître ; il introduit d’ailleurs la pluralité des attributs (πολλά κατηγοικῶς), dont le Stagirite se préoccupe au passage commenté, mais n’a rien à faire avec l’argument de Zénon ; la forme sceptique attribuée à la doctrine de l’Éléate, peut d’ailleurs tenir au mode d’exposition dialoguée de cet argument, mais ce dernier est très clair, et Alexandre d’Aphrodisias[1] le reproduit très bien. La pluralité est une collection d’unités, il faut donc savoir ce qu’est l’unité dans les êtres ; d’après l’adversaire, c’est le point ; mais le point n’est rien ; donc il n’y a pas pluralité. Simplicius se trompe en croyant que d’après Eudème, Zénon nie aussi l’unité ; il nie seulement que l’unité soit le point, qui n’est rien ; l’unité pour lui, c’est l’ensemble des choses (τὸ πᾶν) ; les divisions que l’on y introduit ne lui enlèvent pas son caractère d’unité, et il ne faut pas aller l’attribuer à un prétendu élément indivisible.

Plus loin, à la vérité, Simplicius[2] revient sur ce qu’il a dit et attribue même à Alexandre d’Aphrodisias l’erreur où il est tombé ; puis il développe l’argumentation de Zénon.

« Dans son écrit, qui renferme plusieurs épichérèmes, il montre par chacun d’eux que celui qui affirme la pluralité arrive à affirmer des contradictoires ; dans un de ces épichérèmes, il montre par exemple, que si les choses sont pluralité, elles sont en même temps grandes et petites, et tellement grandes que leur grandeur est infinie, tellement petites qu’elles n’ont pas de grandeur. Pour ceci, il montre que ce qui n’a ni grandeur, ni épaisseur, ni volume, n’est rien. « Si, en effet, dit-il, on l’ajoute à autre chose, il ne la rend pas plus grande ; car ajoutez une grandeur nulle, vous ne pouvez augmenter la grandeur ; ainsi l’augmentation sera nulle. Retranchez, l’autre chose ne sera en rien moindre, comme elle n’était en rien plus grande par l’addition ; ainsi l’augmentation et la diminution sont nulles. » Zénon parle ainsi sans nier l’unité,

  1. Simplicius, Phys., 21 b.
  2. Phys. 30 a.