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l’éther dans l’optique ; il ne peut être ici question de la vérité matérielle mais formelle. Les théories du troisième ordre sont encore dans une condition plus mauvaise. Elles partagent avec le second ordre le caractère hypothétique ; de plus, elles ont le fatal privilège d’être dogmatiques, ce que n’ont pas les autres. Bref, il faut le dire, chez elles et pour elles, il n’y a pas de critérium. Un critérium des systèmes métaphysiques n’existe pas ; du moins en tant que de telles théories ont la prétention d’être une science apodictique de l’absolu réel. La conséquence est le dogmatisme de la métaphysique, la foi qu’elle exige, un credo. « Les systèmes métaphysiques, comme les confessions religieuses, sont intolérants. La métaphysique est analogue à la religion et à l’art. La vérité métaphysique, semblable à la beauté des œuvres d’art est affaire de goût, elle est variable comme le goût. De plus elle est intolérante. L’incertitude objective de leur position subjective prise pour absolument véritable rend impossible pour elle la tolérance. »

II. Une seconde partie plus originale et qui selon nous a encore plus d’intérêt est intitulée : Révision, Péripétie, Reconstruction et Conclusion. Ce qui en fait surtout les frais, c’est ce que l’auteur appelle les maximes d’interpolation de la science expérimentale.

Revenant sur ce qui précède, l’auteur entame un second examen dont les résultats vont paraître opposés à ce qu’il a dit de la première classe de théories et dont voici les points principaux. Il semble que tout soit dit quand on a déclaré que la science s’appuie sur l’expérience ; que celle-ci porte en elle-même son critérium, que les faits, l’évidence des faits, lui servent de vérification et de contrôle. Cela est faux, car l’expérience elle-même a besoin d’être controlée et vérifiée. Il y a deux sortes d’expériences, l’une immédiate, commune et grossière, l’autre-savante, raisonnée, vraiment scientifique. Elle-même est soumise à certaines conditions qui sont en dehors de l’expérience simple ou de la pure expérience, mera experientia, et de l’expérience compliquée, savante. Il compare, avec Bacon, l’une à la fourmi qui amasse son grain et l’entasse et l’autre à l’abeille qui extrait le suc des fleurs, le digère et en forme son miel. L’une c’est l’empirisme, l’autre c’est la vraie expérience. Pour que celle-ici atteigne son but, la vérité scientifique veut que l’esprit (intellectus) se purifie de toutes ses erreurs et de ses préjugés, qu’il renonce à ses idoles. Il demande que les anticipations de l’âme soient écartées, que l’on fasse la séparation du subjectif et de l’objectif et pour cela que l’expérience elle-même soit soumise à des instances contradictoires. On aura ainsi un esprit purgé de toutes ces causes d’erreur.

C’est fort bien, mais le programme baconien offre uns lacune, il a besoin d’un complément. Cette nécessité de séparer l’objectif du subjectif est fort louable. Par malheur, elle est impossible et l’opération poussée un peu loin aboutit à un résultat fatal, mortel à la science et à l’expérience elle-même. Il y a d’abord certaines idées de force, de