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les antinomies cosmologiques un chef-d’œuvre de dialectique. Elles ont été cependant soumises à des critiques, entre autres celle de Schopenhauer. Il faut reconnaître d’abord que la quatrième antinomie se ramène à la troisième et n’est là que pour la symétrie du système. De plus Kant a eu le tort de ne tenir aucun compte de la question de la masse dans sa théorie de la matière. Wundt, après diverses critiques, pose les antinomies sous une autre forme :

1o Le monde est fini ou infini dans l’espace ;

2o Le monde est fini ou infini dans le temps ;

3o Le monde est, quant à la masse de matière, d’une grandeur finie ou infinie ;

4o Le monde, comme masse matérielle, est ou n’est pas divisible à l’infini ;

5o Le commencement de la causalité phénoménale est dans un passé fini ou infini ;

6o La fin de la causalité phénoménale est dans un futur fini ou infini.

On remarquera que les deux premières sont mathématiques, les quatre dernières dynamiques et que 3 et 4 s’opposent à 1 ; 5 et 6 à 2.

L’auteur examine en détail les preuves des antinomies et leur solution et il insiste particulièrement sur le concept d’infini. La solution des antinomies repose sur des formes ou applications différentes de ce concept et l’on peut voir que, dans beaucoup de cas, il s’agit, non pas de ce concept, mais d’un fini, qui, grâce aux circonstances, revêt le vêtement illusoire de l’infini. Ainsi, le regressus in indefinitum des antinomies dynamiques est évidemment en soi un regressus fini, mais qui paraît facilement infini, parce qu’on a la conscience que toute limite finie atteinte n’est que relative et que au delà il y a toujours un progrès possible. L’auteur distingue deux formes de l’infini : l’infini proprement dit et le transfini (Ueberendliche, Transfinite). Le premier désigne une grandeur infinie quant à son origine, le second quant à son être. Ainsi la série des nombres est infinie, quand nous pensons à une numération réelle ; elle est transfinie quand nous essayons de nous représenter leur somme en un concept. Deux parallèles peuvent être prolongées à l’infini, sans se couper ; mais leur point d’intersection est dans le transfini. Là où le premier concept ne peut se former, le second non plus. Mais la réciproque n’est pas vraie. Il y a des cas nombreux de progrès à l’infini et où le terme final vers lequel on tend reste fini. Ainsi la série infinie … quand on se la représente 1 complète ne donne que la quantité finie 1., etc. etc. Le concept de l’infini renferme donc en général deux cas : l’un dans lequel le progrès à l’infini, supposé complet, conduit à un transfini ; l’autre dans lequel il conduit à une grandeur finie. Quand on traite les concepts d’une manière purement abstraite et mathématique, on peut toujours passer de l’infini au transfini ; mais lorsqu’il s’agit d’applications physiques, concrètes, cela n’est plus possible. Car toute grandeur qui provient d’un