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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

phénomène physique. On a tenté d’expliquer ce rapport en faisant des phénomènes psychiques et des phénomènes physiques les deux faces, les deux manifestations d’une substance unique. Les explications de cette nature ont un tort grave, celui de ne rien expliquer, comme il arrive toutes les fois que l’on fait intervenir l’idée de substance. Je ne veux pas d’ailleurs approfondir ici la question au point de vue de la philosophie ou de la critique générale ; il me suffira d’en dire quelques mots pour exprimer ce qui est nécessaire à la psychologie, en réservant l’interprétation dernière.

L’expérience et l’induction nous montrent donc deux séries parallèles des phénomènes, l’une de ces séries est constante, l’autre n’existe que dans certaines conditions, elle est fréquemment interrompue.

Supposons par hypothèse que la seconde série, la série incomplète soit supprimée, l’autre restant ce qu’elle est, les actes de l’homme resteront absolument les mêmes en fait et seront déterminés par un processus physiologique inconscient, au lieu d’être déterminés par un processus physiologique accompagné de phénomènes conscients. Je sais bien qu’une telle hypothèse est inadmissible en fait, puisque les conditions physiologiques voulues étant présentes, la conscience doit forcément se produire, mais elle n’a rien que l’imagination ne puisse se représenter. Il faut admettre bien entendu, pour que les actions restent exactement les mêmes, que les conditions physiologiques restent identiquement les mêmes, identiquement, c’est-à-dire en y comprenant même ces petites particularités encore en partie inconnues qui sont les conditions physiologiques de la conscience. Ce qui, en effet, constitue le rôle de la conscience et son importance pour le développement de la vie psychique, importance que M. Ribot a mise en lumière dans le chapitre dont j’ai parlé, ce n’est pas le phénomène de conscience en lui-même, mais bien les conditions physiologiques particulières qui l’accompagnent et qui sont les conditions propres de la conscience, c’est-à-dire la quantité et la qualité du sang, la durée, la complexité de l’acte, etc. ; — si nous supposons toutes les conditions physiologiques de l’acte conscient réunies, nous pouvons très bien concevoir que la conscience soit supprimée sans aucun dommage pour la manifestation extérieure de la personnalité. Il n’en serait plus de même évidemment si les conditions propres de la conscience venaient à manquer et si, au lieu d’un fait physico-psychologique, on avait un fait simplement physiologique, mais si ce changement modifiait le résultat et pouvait diminuer son importance, ce ne serait pas parce que le second processus serait accompagné de conscience, tandis que le premier ne le serait pas, c’est parce que