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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

de la douleur, mais le plaisir et la douleur sont des phénomènes concomitants de phénomènes affectifs, de phénomènes intellectuels, ou même de phénomènes purement physiologiques. On pourrait en faire une classe particulière d’émotions ; si le plaisir et la douleur s’éloignent des autres émotions par leur durée plus longue, ils leur ressemblent par des caractères essentiels, en ce que, comme les émotions en général, ils sont, à un degré plus haut que les autres phénomènes affectifs, des faits de relation et qu’ils n’existent guère in dépendamment des autres phénomènes affectifs ou intellectuels qui les accompagnent.

IV. La nature et la cause des phénomènes affectifs

Nous avons vu les différents états de conscience qui peuvent se ranger dans le groupe des phénomènes affectifs. Il s’agit de voir maintenant quelle est la caractéristique générale de ces états et quelles sont les conditions psychologiques ou physiologiques de leur apparition. Nous pouvons nous servir pour déterminer ces conditions de la double méthode de l’analyse et de la synthèse, en prenant d’abord un fait évidemment affectif et en voyant d’après l’expérience ce qu’il faut changer à ses conditions d’existence pour lui enlever cette qualité propre d’affectivité et pour faire naître à sa place un phénomène de nature différente, mais ressemblant au premier sur tous les autres points. Nous aurons aussi à faire l’opération inverse, c’est-à-dire à voir par suite de quel changement dans les antécédents, un phénomène affectif peut prendre la place d’un phénomène intellectuel ou autre qui lui ressemblerait à peu près en tout, sauf en ce qui fait la qualité propre du phénomène affectif.

Prenons par exemple un des faits qui font souvent disparaître le sentiment, l’habitude, et voyons comment s’opère par son influence la transformation qui nous intéresse. Je choisis un exemple vulgaire et assez fréquent, par exemple un homme naturellement timide qui fait une première visite à des gens qu’il connaît peu ou ne connaît pas. Les phénomènes affectifs abondent en ce cas, timidité, ennui, curiosité parfois, etc.

Supposons que le fait se renouvelle souvent, il arrive généralement que tous ces phénomènes affectifs disparaissent et font place, s’il n’y a aucune raison pour que de nouveaux sentiments se produisent, à une indifférence machinale. Examinons les différences des conditions de ces phénomènes successifs d’émotion et d’indifférence, nous verrons qu’elles se ramènent à deux : une principale, l’arrêt de certaines impulsions ; une secondaire, la participation à la conscience