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tème qui lui appartient en propre et où le centre du monde est occupé, non pas par le Soleil, mais par le feu immobile de l’Hestia, vers lequel, notre hémisphère n’est jamais tourné et que nous ne voyons donc jamais son antichtone n’est nullement la lune, mais un astre imaginé pour rendre compte d’éclipsés que les anciens ne croyaient pas pouvoir expliquer rien qu’avec le Soleil, la Terre et la Lune ; enfin Hicétas (et non Nicétas, fausse leçon de manuscrits de Cicéron) ainsi qu’Ecphante, n’ont nullement été disciples immédiats de Pythagore, mais bien postérieurs à Philolaos et plutôt jeunes contemporains de Platon ; s’ils ont, d’ailleurs, admis la rotation de la Terre autour de son axe pour expliquer les apparences du mouvement diurne, ils l’ont laissée au centre du monde. C’est donc Aristarque de Samos qui le premier, dans toute l’antiquité, a conçu le système auquel Copernic a attaché son nom immortel.

Parmi les modernes, M. Faye passe successivement en revue les idées de Descartes, de Newton, de Kant et de Laplace.

Le système des tourbillons, exposé succinctement, mais très nettement, a, comme on sait, un caractère cosmogonique parfaitement accusé ; Newton, dont M. Faye reproduit le scolie général de la fin des Principes[1] s’est contenté de montrer que ce système était en complet désaccord avec les lois de Képler ; il n’a point fait d’hypothèses sur l’origine des choses, il y a vu l’œuvre d’un Être tout-puissant et intelligent, et fi a admis dans son Optique que l’action de cet Être pouvait se faire sentir, à certains intervalles éloignés, pour rétablir l’ordre dérangé.

Les disciples de Newton n’ont point imité sa réserve, et ont représenté Dieu comme imprimant à chaque planète une vitesse originaire calculée d’après sa position relative au Soleil. Cette puérile conception ne fait que mieux ressortir la grandeur des vues de Kant et de Laplace, malgré les erreurs que leur génie n’a pu éviter.

On représente ordinairement le système du philosophe de Kœnigsberg comme identique à celui de notre grand astronome. Un juge aussi compétent que M. Faye ne pouvait s’y tromper et il a restitué à chacun son véritable rôle.

Kant a supposé à l’origine la matière du Soleil et des planètes répandue dans l’espace occupé par notre monde, et en même temps, quelque part, là où le Soleil s’est effectivement formé, une légère prépondérance de densité et par suite d’attraction. Il a cru pouvoir conclure que les effets des actions mutuelles des corpuscules de la nébuleuse devaient aboutir à un tourbillonnement dans un sens déterminé pour tout l’ensemble, en y comprenant le Soleil. En cela, il a commis une erreur que Laplace a évitée, en donnant le tourbillonnement général comme originaire.

  1. Ce morceau, peu connu, est très remarquable par l’exposé des idées de Newton sur Dieu.