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ANALYSES. b. thulié. La femme.

c’est une démonstration » (Avant-propos, p. 111). Donc rien de commun avec les déclamations des galantins révolutionnaires ; c’est par la méthode physiologique, c’est par l’étude des organes et des fonctions naturelles de la femme qu’il faut déterminer ce que doit être sa condition dans la société.

Dans la première partie de son livre, M. Thulié étudie ce qu’a été la femme dans le passé. Dans cette revue un peu rapide, on peut reprocher à l’auteur, contrairement à la méthode historique moderne, de trop juger, de trop critiquer, de ne pas assez expliquer et comprendre. Les partisans de l’égalité absolue de la femme pourront du moins découvrir dans ces pages que le vrai droit naturel pour elle est d’être rouée de coups. La seconde partie est consacrée à l’étude de la condition actuelle de la femme. S’il faut en croire l’auteur, la stérilité est sanctifiée, voyez les religieuses ; bien plus, elle est adorée, voyez les filles. Le mot adorée n’a plus rien ici de commun avec la religion. La femme honnête est sacrifiée. « Le mariage, tel qu’il est constitué, donne tous les avantages à l’homme. »

Que faire ? (3e partie). Interrogeons les faiseurs de théories, les donneurs de conseils. Voilà d’abord les hommes de la tradition : la femme est un être inférieur. Les preuves abondent : le serpent, la pomme, les Pères de l’Église, les conciles. M. Thulié conclut avec le sens commun, qui n’est pas à dédaigner en ces matières : « L’idée d’infériorité est fausse, les deux sexes ne peuvent se comparer et être déclarés inférieurs ou supérieurs. Est-il supérieur de faire un livre qui respire le génie ou de faire l’homme qui écrira le livre ? » (p. 209). Voici maintenant les hommes de sentiment, les théoriciens galants : leur idée peut s’exprimer assez exactement en ces termes : la femme est un homme. Le Dr Thulié, qui a étudié la médecine, ne peut accepter cet aphorisme. « L’homme et la femme ne sont pas égaux, ils ne sont pas inégaux non plus, ils ne sont pas comparables » (p. 221). Le rôle de la femme, c’est la maternité. Voilà l’idée maîtresse, ce qu’on ne devrait jamais oublier quand on parle d’elle. Que de grandes phrases soudain dégonflées ! « Les devoirs politiques sont incompatibles avec les devoirs de la maternité ; la femme-citoyen est fatalement stérile » (p. 236). Rapportons-nous-en à la science. « Plus on observe la nature, plus on constate que les deux sexes ne peuvent se comparer, ayant chacun un rôle spécial à remplir et une organisation entièrement adaptée à ce rôle » (p. 241). « L’homme et la femme, indispensables l’un à l’autre, n’étant rien et ne pouvant rien l’un sans l’autre, aussi bien au point de vue de l’individu qu’au point de vue de l’espèce, ne sont donc ni égaux ni inégaux : ils sont complémentaires. Le couple, c’est l’être humain entier » (p. 261). Proudhon, d’un point de vue non plus physiologique, mais moral, avait exprimé ces idées avec l’admirable élévation qui parfois donne à son talent une irrésistible autorité. La destination naturelle de la femme, c’est la maternité, c’est toujours là qu’il en faut revenir, « L’amour, l’enfantement, l’allaitement, l’éducation, voilà la mission de la femme, autrement grande, noble et