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ANALYSES. bradley. The principles of Logic.

commun usage ; nous mêlerons à notre exposition quelques réflexions et quelque critiques.

I. — Tous les logiciens s’accordent à reconnaître que les principes de la logique sont les principes mêmes des opérations de l’esprit et ces opérations, d’après eux, sont la conception, le jugement et le raisonnement. Bradley n’est pas d’un autre avis, cependant il ne recherchera pas dans son livre les principes de la conception ou de l’idée et s’arrêtera à rechercher ceux du jugement et du raisonnement. C’est que, d’après lui, les origines de l’idée sont psychologiques plutôt que logiques. L’idée est le fait-principe avec lequel commence la logique proprement dite. L’idée d’ailleurs a deux sens, un sens psychologique, et, en ce sens, elle est un état mental, un fait singulier, et un sens logique, et, en ce sens, elle est un symbole, elle a une valeur universelle.

Le jugement est l’acte qui met en œuvre la valeur universelle de l’idée, qui développe le sens qu’elle renferme. On peut donc définir le jugement l’acte qui rapporte un contenu idéal (reconnu pour tel) à une réalité extérieure à cet acte même. L’idée universelle n’est en elle-même qu’un adjectif errant. Par l’affirmation nous fixons cet adjectif en l’unissant à un substantif réel. Le lecteur a sans doute déjà remarqué que cette définition du jugement diffère notablement des définitions ordinaires. Elle en diffère surtout en ce que dans celle-ci, il n’est question que d’une seule idée ; toutes les autres définitions considèrent au contraire le jugement comme composé de deux idées. C’est là, d’après notre auteur, une erreur fondamentale. Dans le jugement il n’y a et il ne peut y avoir qu’une seule idée. L’idée en effet est constituée par un tout ; l’attribut est toujours contenu dans le sujet ; le sujet et l’attribut ne sont qu’une seule et même idée. Quand nous jugeons, nous affirmons une idée et cette idée contient tout ce que nous sommes amenés à y mettre ; simple ou complexe, dès qu’elle est posée par l’esprit, elle est unique. S’il n’y a qu’une seule idée dans tout jugement, il est clair qu’il faut abandonner la doctrine qui enseigne que le jugement rapporte une idée unique comme attribut à une autre idée unique comme sujet. Il faut, pour être dans le vrai, dire que dans tout jugement il y a un suje t dont on affirme un contenu idéal. Mais ce sujet logique n’est pas dans le contenu idéal et se distingue profondément, comme nous le verrons plus loin, du sujet grammatical.

De ce que l’auteur appelle la superstition du sujet, de la copule et du prédicat, résultent plusieurs erreurs qu’il va indiquer :

1o Le jugement n’est pas le résultat d’une association. En effet, le résultat d’une association dont les termes sont singuliers ne peut être lui-même que singulier et le contenu idéal qu’affirme le jugement a une valeur universelle. De plus, le jugement est un fait simple ; comment deux choses différentes peuvent-elles composer un résultat simple ? C’est ce qui ne s’entend pas.

2o Le jugement n’est pas le résultat de la force ou de la faiblesse des idées, il ne se confond pas avec la volition. Contre cette théorie de Bain,