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ANALYSES. bradley. The principles of Logic.

leurs que ceci est « pauvre et superficiel » et cherche un fondement à l’identité de l’analyse et de la synthèse dans le développement du moi pour lui-même. L’acte de la pensée, le désir qu’elle a de se parfaire et de s’achever ne peut être réduit ni à une analyse pure ni à une synthèse, la vie de l’esprit résulte de l’union des deux choses et c’est en fin de compte l’esprit qui se développe dans les raisonnement de toute nature. — Peut-être trouvera-t-on que l’auteur fait ici bien de la métaphysique ; peut-être aussi n’était-il pas nécessaire d’aller chercher hors de la logique les raisons qui réduisent l’analyse et la synthèse à une seule opération, ce qui, d’après nous, est une incontestable vérité. Nous avons d’ailleurs indiqué cela ici même[1].

L’auteur s’attache après cela à montrer qu’il n’y a pas de raisonnements purement formels. Il croit cependant qu’on peut extraire des prémisses une forme ; cette for me n’est point une majeure, c’est un principe abstrait qui fait sortir la conclusion du donné, mais ne peut entrer dans le syllogisme. Aussi tout raisonnement n’est-il point un syllogisme.

Après un autre chapitre où l’auteur cherche à montrer que la cause se distingue du moyen terme et que la raison logique n’est pas toujours la cause réelle, il arrive enfin au terme de son travail et se demande quelle est la valeur du raisonnement. Cette question se subdivise en deux : 1o Le raisonnement est-il logiquement bon ? — Cette question peut se résoudre, bien que nous ne puissions atteindre à une forme logique parfaite. 2o Notre raisonnement correspond-il à la nature des choses ? À moins de révolutionner toutes nos idées, répond Bradley, nous devons croire à une identité de la logique avec les faits. Sans doute les opérations logiques ne sont pas parfaites, car elles se rapportent aux sensations qui brisent la réalité, nous l’avons vu, mais il n’en est pas moins vrai qu’un invincible instinct nous fait croire que la vérité de nos pensées s’accorde avec la réalité des faits. Il y a donc un parallélisme entre la logique et les phénomènes, mais nul ne peut affirmer que la logique soit une copie exacte de ces derniers.

Nous voilà arrivés au terme de cette longue analyse. Nous avons fait au courant de l’exposition les remarques de détail que nous avons jugées nécessaires. Pour l’ensemble, le lecteur a pu voir que l’ouvrage est assez mal ordonné, que l’auteur y fait trop de métaphysique et de psychologie et pas assez de logique. Les théories sont fines, subtiles plutôt que profondes, mais témoignent d’une grande force d’analyse ; les chapitres sur l’associationisme et la logique de Stanley Jevons montrent à l’œuvre un véritable talent de critique. Ce que nous reprocherons surtout à l’auteur, c’est de s’égarer parfois, à force de vouloir être original. À l’exemple de beaucoup d’autres, il a horreur des vieilleries philosophiques ; nous avons la faiblesse de croire qu’une vérité — même vieille — vaut plus qu’une erreur — même rajeunie.

G. Fonsegrive.

  1. Sur le sens des mots analyse et synthèse (No de septembre 1882), p. 313.