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indiqué les lois qui sont l’expression abstraite des faits de développement et d’organisation des caractères.

Il est une de ces lois que je voudrais examiner un peu plus longtemps. Je l’aurais fait plus tôt si je n’avais voulu exposer tout d’abord l’ensemble des faits sans m’arrêter aux détails, de crainte d’introduire quelque confusion. Il s’agit de la loi d’association. On remarquera qu’il y a quelque différence entre la loi générale d’association psychologique telle qu’elle est ordinairement entendue et la loi d’association que je formule ici. Telle qu’on la comprend d’ordinaire, la loi d’association exprime la tendance qu’ont des faits de conscience à se susciter l’un l’autre à cause de leur contiguïté et de leur ressemblance. Un élément nouveau s’introduit ici, c’est l’harmonie des tendances. Je dis en effet que des tendances s’associent quand elles se favorisent l’une l’autre et tendent vers un but unique ou vers un système de but. Elle exprime ce fait que toute tendance suscite des tendances secondaires de but analogue et favorise les autres tendances convergentes. Le fait est évident, et les exceptions apparentes rentrent dans la règle. Mais il faut examiner, quand ce ne serait que pour prévenir les équivoques, les rapports de cette loi d’association avec la loi d’association telle qu’on la formule en général.

La loi générale d’association exprime ce fait que des phénomènes unis dans le passé, par contiguïté ou par ressemblance, seront unis dans l’avenir. Il est facile de voir que cette loi est une loi du genre de celle dont nous avons parlé et qui est souvent masquée par les phénomènes. Ainsi il est sûr qu’elle exprime une tendance et non une réalité, et qu’il faut supposer pour sa manifestation complète bien des conditions qui manquent quelquefois. M. Michel Bréal[1] a très justement fait remarquer, il n’y a pas longtemps, qu’un mot ne réveille pas à la fois tous les sens qui peuvent lui être attachés. Ainsi un mot, bien que plusieurs significations, plusieurs groupes de phénomènes psychiques soient associés avec lui, ne réveillera qu’une partie de ces associations et telle ou telle partie déterminée selon les circonstances. Le mot tronc, s’il arrive dans une phrase où l’on parle d’un arbre, n’éveille généralement pas les mêmes idées que s’il arrive dans une phrase où l’on parle des pauvres et de la charité. Les circonstances déterminent donc l’éveil d’un groupe particulier de phénomènes parmi tous les groupes qui peuvent être éveillés par un phénomène donné. Or, que sont ces circonstances ? ce sont des systèmes de phénomènes psycho-physiologiques. Nous voyons que cet ensemble de phénomènes psycho-physiologiques tend, parmi les phénomènes

  1. M. Bréal. Comment les mots se classent dans notre esprit.