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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

qui pourraient être apparents, à en susciter quelques-uns, à en laisser d’autres dans l’ombre. Or, ces phénomènes suscités sont précisément ceux qui tendent à un même but que les phénomènes suscitants, qui forment un système avec eux. Autrement dit l’association est déterminée, non pas par un phénomène, mais par un système de phénomènes, et le phénomène suscité doit prendre place à quelque titre dans le système des phénomènes suscitants. On voit que cette loi dérivée d’association peut être considérée comme provenant de l’exercice combiné de la loi générale d’association, ou bien encore de la loi d’habitude telle que je l’ai énoncée et qui comprend la loi d’association et la loi de sélection, qui ne permet aux représentations de se produire que si le milieu intérieur leur est favorable.

Assurément ici un autre problème se pose, celui de l’origine première de la systématisation dans le monde organique. Nous l’acceptons ici comme un fait, parce qu’elle est un fait, sans prétendre expliquer ce problème qui se trouve tout à fait en dehors du but de ce travail. M. Herbert Spencer a tenté d’en donner une explication dans ses Principes de psychologie, c’est la meilleure qui existe, cela ne veut pas dire que la question soit complètement épuisée.

Revenons à la formation du caractère. Nous voyons que, par le fonctionnement des lois indiquées, les tendances tendent à s’organiser, à former des systèmes de plus en plus complexes, et ensuite d’autres systèmes généraux qui englobent, relient et harmonisent les premiers. Quand une nouvelle tendance se forme, quand un nouveau sentiment prend naissance, il se combine au moins avec quelques tendances secondaires, et aussi, en général, avec quelques tendances supérieures. Petit à petit les diverses circonstances de la vie mettent cette nouvelle tendance en rapport avec les autres existant avant elles, ou avec d’autres qui se développent ensuite. Des associations ou des sélections s’effectuent peu à peu, et la tendance se trouve reliée à un plus grand nombre de faits organiques ou psycho-organiques. Elle entre dans des systèmes de plus en plus complexes, à moins, bien entendu, que la lutte ne lui soit défavorable et qu’elle ne soit éliminée. Si l’organisme arrivait à la perfection, si la personnalité devenait une, elle serait alors complètement harmonisée avec toutes les autres tendances de l’équilibre. Mais ce fait ne se produit pas, ce travail des phénomènes psychiques qui s’arrangent en systèmes et des systèmes qui se coordonnent en systèmes plus vastes est toujours entravé par les circonstances complexes de la vie quand il n’est pas détruit par la mort, ou quand il n’est pas changé en travail inverse de dissolution, par quelque crise ou