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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/8

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Le procédé le plus habituel, classique pour ainsi dire, c’est la fixation du regard. Je dis au sujet : Regardez-moi bien fixement, et au bout de quelque temps, ses paupières se ferment ; le sujet dort. On peut aussi, comme le faisait Braid, lui faire fixer un objet quelconque. Les premières fois, le sommeil ne vient pas toujours, mais habituellement au bout de quelques séances, le résultat est obtenu. Le sommeil est d’abord assez longtemps à se produire ; ensuite il se produit en quelques minutes, puis en quelques secondes, et enfin presque instantanément. Dès que le sujet a été ainsi endormi plusieurs fois par vous, il est en votre pouvoir et on peut alors provoquer le sommeil par n’importe quel procédé. Ainsi, vous n’avez qu’à dire au sujet : vous dormirez dans tant de minutes, pour que le sommeil se produise à la minute fixée. C’est même un procédé très commode pour endormir un sujet malgré lui. Chez les sujets très impressionnables, il suffit de dire d’un ton impératif : Dormez, pour que le sommeil se produise immédiatement.

Cette puissance de produire à volonté chez certains sujets le sommeil hypnotique peut se traduire de bien des façons différentes ; j’en citerai quelques exemples. Ainsi on peut leur dire : Je vais compter jusqu’à dix ; quand je serai à six, vous dormirez ; quand je ferai tel mouvement, quand je lèverai le bras par exemple, vous dormirez ; quand M. X… (une personne présente quelconque) fera tel geste, quand il vous adressera la parole, vous dormirez. On peut aussi rattacher le sommeil à un acte même du sujet. On peut lui dire Comptez jusqu’à dix ; à huit vous dormirez ; quand vous ouvrirez cette porte, quand vous mettrez votre gant, vous dormirez. Le sujet peut retarder tant qu’il le veut l’acte d’ouvrir la porte ou de mettre son gant, mais quand l’acte est exécuté, le sommeil le suit inévitablement.

Tous ces faits s’expliquent facilement ; il suffit que le sujet ait l’idée du sommeil pour que le sommeil se produise et l’acte quelconque auquel cette idée a été rattachée par l’hypnotiseur suffit, quand il est accompli, pour que le sommeil ait lieu. J’en citerai un exemple frappant. Au moment des vacances, comme je devais quitter Nancy pendant plusieurs mois, Mlle A… E…, que j’avais l’habitude d’hypnotiser presque tous les jours, me dit un matin. — Vous ne pourrez plus m’endormir maintenant, puisque vous partez. — Pourquoi pas ? — Mais ce n’est pas possible, puisque vous ne serez plus là. — Cela ne fait rien ; je vous donnerai des jetons magnétisés ; quand vous voudrez dormir, vous n’aurez qu’à en mettre un dans un verre d’eau sucrée ; vous dormirez un quart d’heure. — Puis me ravisant, je lui dis : Mais il y a quelque chose de