Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
ANALYSES.g. cesca. L’origine del principio di causalità.

à des exemples empruntés à la psychologie de l’enfant, qui ne sont, à mon avis, ni assez précis ni assez contrôlés. Une courte discussion des arguments et des faits me paraît nécessaire.

Je ne saurais accorder que, de tous les éléments constituant, d’après M. Cesca, l’idée de cause, la notion de pouvoir soit le premier en date et en importance, En est-elle même un élément essentiel ? En supposant qu’elle le fût, l’école écossaise n’en a pas compris l’origine et la signification véritable. Elle fait naître cette notion de la relation directement perçue, d’un côté, entre notre volonté et notre mouvement, et, de l’autre, entre notre volonté et nos idées. M. Cesca fait subir à cette théorie une correction inutile. Nous avons, d’après lui, d’abord et toujours conscience du pouvoir de notre volonté sur la direction de notre pensée. Nous la saisissons sur le vif dans notre effort volontaire opérant un changement dans nos idées. En possession de cette idée, nous en faisons une première application à la relation perçue entre notre volonté et nos mouvements. Le contraire serait plus vrai. L’enfant est plutôt capable de saisir la relation de causalité, entendue au sens de succession habituelle et constante, entre ses désirs objectivés et ses mouvements, qu’entre sa volonté, même objectivée, et ses idées beaucoup moins objectivables. Il voit le but désiré, il voit et sent ses mouvements ; il lui faut avoir atteint un certain degré de développement intellectuel, être capable de réflexion et d’abstraction conscientes, pour saisir le lien de succession survenant entre ses volitions et ses idées, Encore est-il bien prouvé qu’il débute par la perception de ces sortes de séquences ? La relation de succession constante le frappe davantage dans les phénomènes extérieurs. Il entend un son tintant, et il regarde du côté de la pendule : le second membre de la succession étant donné, il attend, il cherche le premier ; il aperçoit un tambour, et il fait avec la main le geste de le battre, avec sa voix l’imitation de son bruit : le premier membre de la succession lui suggère la pensée et le désir, l’attente nécessaire du second. La cause et l’effet ne sont pas autre chose au début, et ne seront jamais autre chose qu’une relation de succession habituelle entre des perceptions ou des représentations,

Aussi bien, l’exemple dont M. Cesca appuie son opinion n’est pas juste. « L’enfant, dit-il, ayant découvert en suçant le lait que le contact de sa lèvre a pour conséquence une sensation agréable et la satisfaction du désir de manger, suce ensuite le doigt, ainsi que des objets étrangers qui ne peuvent pas assouvir sa faim. » Et même en supposant qu’il ne fait pas toutes ses actions en vertu d’une finalité instinctive, on ne peut voir là une application quelconque de la notion de pouvoir efficient. Écartons cette obscure question de tendance héréditaire à appliquer le principe de causalité, et tenons-nous en aux faits observables. L’enfant, âgé de quelques heures, suce indistinctement le premier objet venu qu’on introduit dans sa bouche. J’ai relevé ailleurs une interprétation tout à fait erronée de Tiedemann, qui, voyant son