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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/15

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ch. dunan. — le problème de la vie

de rapporter. On nous dit que le mécanisme est une conséquence nécessaire de la nature du temps et de l’espace. Sans doute, nous accorderons bien que ce qui unit l’un à l’autre le temps et l’espace, ce qui en fait deux lois différentes d’un seul et même monde, ce qui forme en quelque sorte leur ligne de pénétration réciproque, c’est le mouvement d’où résulte cette conséquence que, si le temps et l’espace sont les éléments premiers et irréductibles de tous les phénomènes, le mouvement est lui-même le phénomène fondamental, et celui duquel tous les autres procèdent. Mais il reste à savoir si c’est de temps et d’espace que les phénomènes sont constitués, ou, ce qui revient au même, si c’est en temps et en espace qu’ils se résolvent, lorsqu’on cherche à les ramener à la simplicité de leurs éléments premiers. Or c’est certainement le contraire qui est le vrai, quoi qu’en ait dit Descartes ; et, sur ce point, nous en appellerons à Leibniz lui-même. Pour ce qui regarde en particulier l’espace, on peut dire qu’il est la forme universelle et nécessaire de la nature corporelle, mais non pas qu’il en est le fond ultime et la substance. La même chose est vraie à l’égard du temps. Par conséquent, le mouvement non plus n’est pas le phénomène élémentaire auquel tous les phénomènes se réduisent. L’argument que nous venons de rappeler, très naturel chez Descartes, se comprend beaucoup moins, ce semble, chez Leibniz et chez les philosophes qui s’inspirent de sa doctrine en cette question.

On fait valoir aussi en faveur du mécanisme des raisons d’ordre scientifique La première, et peut-être la plus importante de toutes, c’est le fait incontestable que la physique et la chimie tendent de plus en plus à devenir déductives d’expérimentales qu’elles étaient à leur orig ine et que de plus en plus la nature apparaît comme régie par des lois rationnelles et mathématiquement déterminables. Mais, tout d’abord il importe de signaler dans les conséquences qu’on tire de ce fait une grave confusion d’idées. Qu’effectivement la science substitue à toutes les apparences purement sensibles comme la couleur, la chaleur, etc., la considération de réalités intelligibles qui sont des mouvements, on ne peut le nier ; mais il faudrait savoir comment, et à quel titre, elle traite ces mouvements. Or c’est à titre de quantités, de durées, de vitesses, de formes, toutes choses abstraites, qui sont des propriétés du mouvement, mais non pas)e mouvement lui-même. C’est ainsi qu’on a pu trouver l’équivalent mécanique de la chaleur, et qu’on trouvera probablement un jour ceux de la lumière et de l’électricité ; que l’on a calculé le nombre et la vitesse des vibrations éthérées qui donnent lieu en nous à telle sensation de couleur, etc. Mais est-ce là l’explication mécanique des