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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/240

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faites qu’à un nombre fort restreint — quatre pour cent environ — des sujets mis en expérience. C’est infiniment moins que des personnes, très peu autorisées, ne l’ont dit ou écrit : c’est beaucoup encore cependant, et la question vaut qu’on y réfléchisse, si l’on songe que, même ramenées à ces limites, nos conclusions s’appliqueront, pour une ville comme Paris, à près de cent mille personnes !

Cela dit, entrons dans le vif de la question.

Dans le mémoire lu, en 1884, à l’Académie des sciences morales et politiques, j’avais rapporté un certain nombre d’expériences faites par moi sur des somnambules, à la clinique de M. le Dr Liébeault. Je n’en rappellerai que ce qui est indispensable pour la suite de ma discussion.

Soit dans le somnambulisme provoqué, soit par simple suggestion à l’état de veille, un sujet, surtout s’il a déjà subi de précédentes hypnotisations, peut être mis dans l’impossibilité de’dessiner, de décrire un cercle, de tracer, sur une feuille de papier, deux lignes parallèles, de faire une addition de trois nombres, composés seulement de trois chiffres, de remettre une montre à l’heure exacte, de compter jusqu’à trois pièces de monnaie, de mettre la main sur le bouton d’une porte, de trouver les manches de son vêtement, etc., etc.

« Ce qui est surtout très singulier, disais-je, en 1884, ce qu’il serait intéressant d’étudier à fond et de bien caractériser, c’est l’état du sujet mis en expérience. Il ne présente pas la moindre apparence de sommeil, il a les yeux ouverts, les mouvements aisés ; il parle, marche, agit comme tout le monde ; il prend part à la conversation, répond aux objections, les discute avec intelligence, a souvent des réparties heureuses ; en un mot, il semble être dans un état absolument normal, excepté sur le seul point où porte la prohibition de l’expérimentateur. »

En reproduisant, dans le numéro de la Revue de juillet 1885[1], le passage ci-dessus de mon travail de l’année précédente, M. le docteur Beaunis, professeur à la faculté de médecine de Nancy, ajoutait :

« De tous les auteurs qui ont entrevu ou indiqué cet état particulier, c’est M. L… qui, à mon avis, l’a le mieux caractérisé au point de vue psychologique ; le tableau qu’il en donne est d’une exactitude frappante. » (Suit une réserve sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure.)

M. Beaunis rappelait que M. Charles Richet avait observé aussi un état analogue sur quelques-uns de ses sujets ; mais, selon lui,

  1. Revue philosophique, juillet 1885, p. 28.